Dans une froide matinée de janvier, la neige tombe délicatement sur la Corée du Sud, l’enveloppant dans une grisaille qui ferait presque écho à la morosité d’un pays en proie à la dictature depuis plusieurs années. Tout le monde s’affaire, comme d’habitude, des petites mains aux grands chefs des hautes instances politiques du pays. Mais personne ne se doute, qu’au milieu, un fait divers va déclencher un véritable cataclysme. La tempête approche est va se déclencher, en cette année 1987.
En France, nous connaissons, aujourd’hui, la Corée du Sud, moderne et démocratique, d’un côté, et la Corée du Nord, renfermée sur elle-même à cause de décennies de dictatures, de l’autre. Mais, souvent, nous ne savons pas que la dictature fut aussi, et encore récemment, un vrai fléau en Corée du Sud. C’est donc, trente ans plus tard, que Jang Joon-hwan vient nous conter comment la dictature s’est vue ébranlée et renversée par un soulèvement populaire hors normes. Il est intéressant, tout d’abord, d’établir un parallèle avec un autre film coréen récent et de très grande qualité, A Taxi Driver, qui narrait avec puissance et une grande maîtrise le soulèvement de Gwangju, un des grands événements qui a marqué le peuple coréen, bouleversé par les horribles répressions effectuées par les forces militaires face à des étudiants qui manifestaient. Des événements directement liés à ceux relatés par 1987 : When The Day Comes, qui s’intéresse au meurtre, sous la torture, d’un jeune étudiant, par la police anti-communiste, que les grandes instances du gouvernement cherchent à cacher à tout prix pour ne pas fragiliser la dictature en place.
Comme A Taxi Driver, 1987 : When The Day Comes propose un judicieux mélange des genres et des tons pour donner beaucoup de substance à son récit. Présenté tout d’abord comme un thriller politique, il se transforme ensuite en un mélange de mélodrame et de drame de guerre, permettant de passer de la vision politique et systémique des événements, vers une vision plus centrée sur l’humain et la manière dont le peuple coréen a vécu cette époque, et a réagi face aux événements. Superbement réalisé, réaliste mais juste assez romancé, tragique mais avec des pointes d’humour finement senties, mélangeant la tension du thriller et la brutalité du film de guerre, il varie sans jamais s’égarer. Le cinéaste, par ailleurs, nous a expliqué que quasiment tout le film relate des faits réels, ne prenant quelques libertés que dans certains éléments d’écriture et dans la création de certains personnages, témoignant d’une volonté de ne jamais dénaturer les faits, mais d’être en mesure de leur ajouter une puissance narrative à même de toucher le spectateur.
Ce qui est également très intéressant avec 1987 : When The Day Comes, c’est son absence de manichéisme. Bien entendu, nous prenons parti pour les adversaires de la dictature et nourrissons une véritable aversion entre les dirigeants des institutions anti-communistes. Cependant, la palette des personnages écrits par Jang Joon-hwan est suffisamment large et variée pour apporter beaucoup de nuances dans les relations entre les personnages, et dans leur rôle vis-à-vis des événements. Même l’inquiétant et taciturne Park Cheo-won, transfuge nord-coréen devenu chef de la brigade anti-communiste, méchant tout désigné de l’histoire, est montré comme un homme qui a lui-même vécu l’horreur, qui a subi de terribles répressions, qui est devenu un monstre après avoir été victime de monstruosités. Même si beaucoup de personnages nous sont introduits tout au long du film, on parvient facilement à les identifier, et ils permettent de dresser un large panorama des événements. Jang Joon-hwon nous montre la mise en place d’une véritable résistance, où le peuple agit dans la discrétion pour vaincre la dictature, tout en faisant ressentir au spectateur toute l’effervescence qui anime le peuple coréen, représentée par les journalistes, pris dans une quête effrénée du scoop qui chamboulera l’ordre en place.
1987 : When The Day Comes est un grand drame historique prenant et bouleversant, superbement réalisé et interprété. Il captive le spectateur de bout en bout, dosant parfaitement la tension, appuyant là où ça fait mal, et n’hésitant tout de même pas à, comme toujours, disperser quelques touches d’humour souvent subtiles et bien senties. Jang Joon-hwan livre un travail remarquable qui permet de voir comment tout un pays s’est soulevé pour chasser la dictature et, progressivement, revenir à la démocratie. Un film qui, par ailleurs, rappelle que la dictature n’appartient pas qu’au passé, que sa menace demeure toujours d’actualité, et que ce genre d’oeuvre doit continuer à exister pour nous faire prendre conscience, nous faire remémorer les erreurs du passé pour ne pas de nouveau les commettre.