Vu au 13° Festival du Film Coréen à Paris



  1. Une année qui n'évoque rien dans nos esprits occidentaux mais qui constitue pourtant un moment clé dans l'histoire coréenne. Un soir de janvier, l'étudiant Park Jong-chul est torturé par la police anticommuniste du régime dictatorial de Corée du Sud. Un interrogatoire de plus, l'interrogatoire de trop. Le jeune homme meurt sous la brutalité de ses interrogateurs. Le régime tente de cacher rapidement cette mort suspecte. Mais le procureur de service ce soir là en décide autrement et refuse de signer l'autorisation d'incinération du corps. S'enclenche alors un enchaînement incontrôlable et incroyable d'événements dont l'aboutissement est l'organisation d'élections au suffrage direct et l'adoption d'une nouvelle constitution.


Avec une précision redoutable et une clarté exemplaire, 1987 est un film choral qui nous montre comment un régime autoritaire tout puissant s'est soudainement grippé et n'est plus parvenu à maintenir son emprise sur la société. La violence, l'intimidation, la corruption, la censure n'ont plus suffi à préserver l'ordre dans un pays où la soif de liberté a pris le dessus.


"Qu'est-ce qu'un homme révolté? Un homme qui dit non. Mais s'il refuse, il ne renonce pas: c'est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement." (Albert Camus)


Comment un régime, en apparence si omnipotent et omniscient, s'est-il alors effondré ? Grâce à la confluence de deux dynamiques. Des choix individuels, tout d'abord, d'hommes et de femmes - procureur, médecin, journaliste, étudiant, gardien de prison, prêtre, vendeuse - qui ont un jour décidé de dire non, de s'opposer au pouvoir établi et de résister à leur humble échelle (refuser de falsifier un certificat de décès, protéger des manifestants, transmettre des informations à la presse). D'un courage incroyable, ces décisions individuelles ont collectivement permis de paralyser le Léviathan.


"Je me révolte donc nous sommes"


Un dynamique collective ensuite. Si le mouvement populaire de 1987 a pu dépasser l'échec traumatisant du soulèvement de Gwangju en 1980 (cf l'excellent film A taxi driver de Jang Hun), c'est bien parce que toutes les composantes de la société ont su s'allier. La justice, la presse, l'Eglise ou encore les universités ont combiné leurs efforts pour renverser une montagne en apparence inébranlable. Mais là où 1987 est très juste, c'est en soulignant également que le régime en place a accompagné ce mouvement et a accepté tacitement le changement, en organisant des élections, en mettant en prison les factions les plus violentes de sa police, en limitant l'emploi de la force.


Une partition parfaitement orchestrée


Alliant remarquablement les genres et les émotions, 1987 est un film passionnant qui jette un regard juste et subtil sur l'histoire récente de la Corée du Sud. Le scénario est d'une très grande finesse, les acteurs excellents et la narration d'une fluidité exemplaire. Espérons que le film de Jang Joon-Hwan sorte un jour sur les écrans français !

Zeldafan70
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 3 nov. 2018

Critique lue 429 fois

3 j'aime

Zeldafan70

Écrit par

Critique lue 429 fois

3

D'autres avis sur 1987: When The Day Comes

1987: When The Day Comes
JKDZ29
8

Le soulèvement du peuple

Dans une froide matinée de janvier, la neige tombe délicatement sur la Corée du Sud, l’enveloppant dans une grisaille qui ferait presque écho à la morosité d’un pays en proie à la dictature depuis...

le 3 nov. 2018

5 j'aime

1987: When The Day Comes
anthonyplu
7

We shall overcome

Après Taxi Driver, the attorney ou Ordinary person, un nouveau film se penche sur la dictature militaire et les mouvements de contestation démocratique (presse, religion, étudiant, justice). Et c'est...

le 3 janv. 2019

3 j'aime

1987: When The Day Comes
Zeldafan70
7

Radiographie d'une révolution

Vu au 13° Festival du Film Coréen à Paris Une année qui n'évoque rien dans nos esprits occidentaux mais qui constitue pourtant un moment clé dans l'histoire coréenne. Un soir de janvier, l'étudiant...

le 3 nov. 2018

3 j'aime

Du même critique

Grâce à Dieu
Zeldafan70
3

Indignation aseptisée

Dans Grâce à Dieu, François Ozon a pris la décision, courageuse et déterminée, de traiter avec une précision implacable le sujet de la pédophilie dans l'Eglise catholique, à travers un fait divers...

le 24 févr. 2019

27 j'aime

6

0.5 mm
Zeldafan70
9

Ode à l'impertinence

Un film de 3h15, au nom énigmatique, réalisé par une japonaise (encore) inconnue du public occidental. Voilà malheureusement beaucoup trop d'obstacles pour que "0.5 mm" de Momoko Ando sorte de si tôt...

le 18 oct. 2016

12 j'aime

3