Éreinté par la critique à sa sortie, mal aimé du public, Une chance sur deux vaut pourtant bien mieux que ce qu’on peut en lire. Évidemment, ce n’est pas du grand cinéma et le prétexte pour réunir les deux monstres sacrés est manifeste. L’hommage à un cinéma alors en voie de disparition saute aux yeux. Le résultat n’est jamais à la hauteur de ses modèles, il manque un dialoguiste plus créatif, on laisse un peu les deux vedettes cabotiner et le scénario, très prévisible, est terriblement paresseux. Énumérer les défauts du film n’est pas chose compliquée.
L’essentiel est bien évidemment ailleurs, cependant. Il repose sur deux personnalités au charisme immense qui font l’atout majeur de ce film. D’un côté, Bébel en plaisantin qu’il ne faut pas chatouiller, de l’autre Delon en faux mec antipathique qu’il ne faut pas emmerder, et nous voici bien armés pour un agréable divertissement. Comédie d’action plaisante et amusante, elle nous permet de retrouver nos deux vedettes du box-office pendant plus de vingt ans avant qu’elles ne tirent leur révérence. Déçu du résultat commercial du film, Delon mit en effet fin à sa carrière cinématographique après sa sortie, en-dehors d’une seule incartade. Belmondo tourna deux autres films ratés avant ses ennuis de santé.
Cette sorte de dernière séance n’a rien de déshonorant. Si l’histoire, qui évoque parfois Les Compères, est tirée par les cheveux et si certaines scènes sonnent un peu faux, l’ensemble atteint sa cible. Voir Bébel et Delon en papys flingueurs envoyer valser à grands coups d’explosifs une organisation russe cherchant à s’implanter sur la Côte-d’Azur reste terriblement jouissif. Plus que dans Borsalino, les deux acteurs, cela se voit, s’entendent comme larrons en foire et Vanessa Paradis, au milieu, opère entre eux un joli trait d’union. On aurait sûrement préféré quelque chose de plus abouti et original mais le résultat fonctionne. La nostalgie d’un certain cinéma français mort depuis le rend encore plus attendrissant à regarder des années plus tard.