Lorsque j’ai vu pour la première fois 2001, je l’ai d’abord trouvé beau, techniquement phénoménal, esthétiquement gigantesque, mais chiant, oui, profondément ennuyeux.
J’en ai ensuite discuté avec un camarade informaticien et nous étions assez d’accord, d’un point de vue formel le film est incontestablement révolutionnaire, mais toute la branlette qu’il y a autour n’était qu’un truc de hipsters qui n’avaient rien d’autre à glander.
Je suis donc demeuré sur ce point de vue pendant plusieurs mois jusqu’à revoir, par hasard, l’objet d’une admiration qui pour une part m’échappait. D’une certaine façon, ma vision ne changea guère, trouvant toujours certains moment bien longuets. Cependant, intervint le point qui fut à la base de l'évolution de mon avis : la musique.
Déjà la première fois j’avais particulièrement apprécié cette bande originale mais au regard de cette histoire qui n’avançait pas, peu m’importaient alors toutes ses qualités. Celle-ci est pourtant fondamentale par sa contribution aux ambiances que développe le film (même lorsqu’elle est absente, le silence n’étant que la continuité du bruit).
Sur ce deuxième visionnage donc, je peux confirmer que la mayonnaise a davantage pris et j’ai alors pensé que c’était au fond assez logique, ou du moins prévisible, étant donné qu’un film de Kubrick est souvent meilleur à revoir qu’à découvrir, à l’exception de Full Metal Jacket (certainement le plus accessible de sa filmographie) qui peut tout de suite pleinement parler à son spectateur. En somme, se faire déflorer par Stanley, c’est un peu douloureux, mais au final quand on y est, comme dirait Bardamu, on y est bien.
Malgré tout, demeuraient ces interprétations autour de la « portée philosophique » du long-métrage qui ne m’intéressaient toujours pas beaucoup parce que je trouvais ces thématiques très mal amenées tant elle laissaient un espace de liberté qu’en tant que spectateur je ne savais que faire.
Mais le fait est qu’à ce moment-là, je ne voulais pas en rester où j’étais et que pour en savoir davantage, j’ai décidé de me pencher sur le livre dont l’expression serait la plus à même de clarifier le tout.
Effectivement, je me retrouvais alors face à ces esprits extra-terrestres transmettant leur connaissance par les monolithes, à cette mission en direction de Saturne qui tourne au drame à cause d’un ordinateur trop performant pour admettre certaines subtilités et à ce gouffre vers une autre dimension qui fait du personnage principal un être ressemblant aux esprits qui l’ont aspiré.
Le tout perd donc en mystère mais gagne en clarté. Je disposais dès lors d’un certain nombre de pistes et le trop plein de liberté que je reprochais au film (pour résumer : « Démerdez-vous pour comprendre. ») n’avait alors plus lieu de me déranger, du moins c’est ce que je pensais à ce moment-là.
Il me fallait donc continuer ce travail. J’ai alors entamé de lire d’autres textes sur internet et de remarquer les interprétation nietzschéennes sans pour autant les étudier. J’ai ensuite acheté Ainsi parlait Zarathoustra pour comprendre ce qu’il en était, et puis je ne l’ai pas lu, influencé par le facteur flemme qui dirige pour une grande part ma vie.
Au final, au moment où j’écris ce texte, la dimension philosophique du film me passe toujours autant au-dessus de la tête (à ce compte il me faut reconnaitre que j’ai lu en diagonale le livre de Clarke). En somme, je crois que sur ce point mon avis n’a pas changé : Kubrick nous met devant le fait accompli, il nous perd, il le veut, mais pas à la manière d’un Godard ou d’un Lynch, Kubrick a un message, et pour l’instant, je ne l’ai pas compris.
Je considère de plus qu’un film doit se suffire à lui-même et que s’il faut que je lise une thèse pour le comprendre c’est qu’il y a dans sa volonté quelque chose de mauvais (mauvais et pas raté puisque nous perdre constituait l’intention de Kubrick à l’évidence). Si le film voulait causer un trouble infini chez son spectateur, c’est assurément réussi. S’il voulait en plus développer une thèse, est-ce compatible avec sa première fin ? Ça, sincèrement, je ne le crois pas.
Si vous me lisez encore, vous vous dites peut-être : « Pourquoi nous raconte-t-il tout ça ? On se moque de sa vie. Et puis il dit lui-même qu’il ne comprend pas la philosophie du film. Il y a déjà des centaines de critiques de 2001 sur ce site… Ça sert à rien. » Est-ce que mon texte sert à rien ? C’est pas à moi d’en juger… Surtout qu’au final, je lui ai quand même mis une bonne note à ce film, alors à quoi ça rime tout ça ?
À plusieurs reprises j’ai parlé de liberté, ce n’est pas pour rien. Jusqu’à récemment, je ne percevais que la liberté d’interprétation (que je juge toujours problématique dans ce cas précis) sans même me rendre compte de l’existence d’une liberté d’appréciation. Car au bout du compte, puisque l’œuvre souhaite que je sois libre, je peux décider de la voir telle que je le veux, non pas en niant l’existence même de sa portée métaphysique mais en choisissant de l’oublier. C’est donc dans cette optique que je suis revenu à 2001 une troisième fois, celle qui précède la rédaction de ce billet.
Alors, à défaut d’un traité philosophique, c’est un long poème que j’ai préféré voir, jouant sur des atmosphères formidables et se déroulant tel un opéra magistral qui, de cette façon, m’a pleinement comblé.
Entre poète et philosophe, Kubrick est certainement les deux. Je pense dès lors que chacun y voit ce qu’il veut. Ce qui est certain, c’est que sur 2001 je penche pour le premier. Quant au second, je renvoie à ce qui me semble le plus évident : le testament du maître.
Mon top Stanley Kubrick :
https://www.senscritique.com/top/Les_meilleurs_films_de_Stanley_Kubrick/1068612
Ma critique d’Eyes Wide Shut (où j’évoque 2001 à l’époque où je n’en étais qu’à mon premier visionnage) :
https://www.senscritique.com/film/Eyes_Wide_Shut/critique/74594069