Premier plan : Plan fixe aérien sur la façade de l'usine où arrivent en nombre les ouvriers en blouse bleu : la plupart à vélo, seul quelques uns ont le prestige de la mobylette ou du scooter.
C'est en 2008, dans une Chine où les inégalités sociales croissent au rythme de la croissance économique du pays, soit très vite. Le film se compose de petites séquences de quinze minutes chacune.
Composé à 80% de témoignages, de ce film documentaire émerge une puissance de la parole, du souvenir, de la mémoire de l'homme et de la manière dont les souvenirs sont racontés, dont les sentiments sont exprimés. Ce docu-fiction interroge des hommes et femmes chinois ayant travaillés où ayant un rapport étroit avec des ouvriers de l'usine 420 (usine d'équipement d'avion au moment du tournage, 2008) qui, lors du film est en pleine destruction. Cette usine depuis les années 1950 où elle produisait principalement des produits de guerre (guerre de Corée 1950-1953) jusqu'au années 2008 (production de pièces d'avion) en passant par les années 1980 a connu de nombreuses histoires, et sur ces quelques hectares consacrés à la production massive et au travail à la chaîne, des hommes et des femmes y ont laissé leur souvenirs.
Ainsi, sont interrogés une dizaines de personne, né entre 1950 et 1980. Les témoignages vont de l'anecdote d'une rupture amoureuse dût aux écarts sociaux des deux amants dans une Chine fraîchement sorti de l'air mao (1980) à un témoignage d'un morceau lourd d'une vie sur le poids social qu'est le fait d'être une simple fille d'ouvrier dans une Chine où les inégalités sociales se creusent. Ainsi s'exprime tant bien la mère ouvrière née à la fin des années 1950 que la fille de cette ouvrière née en 1980 et qui aspire au changement. La nouvelle génération chinoise rejette les usines et les travaux de leurs parents pour un avenir plus "riche" : l'une est dans le commerce, l'autre dans le journalisme. L'affrontement des générations ressort donc de manière émouvante.
Mais l'important du regard de la nouvelle génération est essentiellement dans la vision qu'elle porte sur la génération précédente, c'est à dire les travaux de leur parents, comment est perçu l' "uniforme bleu" qu'est la blouse de travail du père, symbole de labeur ouvrière.
L'ultra réalisme et la qualité des questions posés amènent ici une fresque émouvante et d'un fin réalisme sur le développement économique et social de la Chine des années 1960-1970 via la mémoires des interrogés. Qui dit mémoire dit donc témoignage submergé d'émotion, cela se lit dans les regards face à la caméra, dans le ton, dans les gestes, jusque dans les silences des plans immobiles de la caméra.
Originalité du film : chaque mini séquence et parsemé de citation de poète chinois, une m'a beaucoup plus :
"Si l'usine d'avion serait un oeil gigantesque, la labeur en serait sa pupille"