La vie de l'écrivain Yukio Mishima est fascinante. Sa personnalité était pour le moins très atypique et bourrée de contradictions. Son grand exploit est d'avoir fait de sa mort sa plus grande œuvre d'art.
En résumé, il y a très largement de quoi donner un film passionnant. Et pour flamboyante preuve, Paul Schrader avait réussi à partir de cette matière inestimable un véritable chef d’œuvre Mishima: A Life in Four Chapters en 1985. Ce film est plus que captivant, il est carrément même hypnotique. L'ensemble dure deux heures mais on a l'impression qu'on a passé même pas trente minutes devant l'écran. Le film, qui prend le personnage par l'angle artistique, est d'une inspiration visuelle et scénaristique de tous les instants. Et je ne parle même pas de la musique de Philip Glass, tout simplement une des plus grandes BO de tous les temps.
Tout ça pour vous dire que non, contrairement à ce que laisse penser 25 novembre 1970, le jour où Mishima choisit son destin, la vie de l'artiste est à un milliard de kilomètres d'être chiante.
Kōji Wakamatsu a voulu aborder la figure de l'écrivain par l'angle politique. Ce qui veut dire que le réalisateur voulait à travers le portrait de Mishima faire celui d'une époque particulièrement troublée pour son pays. Et sur le papier, c'était une excellente idée.
Sur la pellicule, à partir d'une excellente idée de départ, Wakamatsu a accouché d'un film profondément ennuyeux et vide.
Seuls instants intéressants, les images d'archives, de grèves, de manifestations, d'émeutes, et puis surtout celles, absolument ahurissantes, du chef du parti communiste japonais assassiné en plein discours par un jeune de 17 ans. Mais l'auteur de ces images, c'est la réalité, pas Wakamatsu. C'est entièrement au crédit de la réalité que reviennent les seuls instants intéressants.
Pour bien en revenir au film, techniquement et sur le plan des décors, des costumes, des cadrages, de l'image en général, c'est affreusement laid.
Sur le plan de l'interprétation, c'est déplorable. L'acteur qui joue Mishima est tellement dénué de charisme et de talent qu'on passe même son temps à se dire lors du début de chaque scène "ah oui, c'est celui-là qui joue Mishima", tellement il est transparent.
Sur le contenu scénaristique lui-même, c'est juste une suite de dialogues longs et soporifiques qui ne mène à rien si ce n'est à endormir le spectateur. Même ce qui est censé être le climax, à savoir le coup d'état manqué (et non plus le coup d'état qui a manqué car je suis sûr que Mishima savait parfaitement à quoi ça allait aboutir !) qu'a entrepris l'auteur avant de se donner la mort, est aussi raté que le reste. Le film dure deux heures, on a l'impression qu'on a passé vingt heures devant l'écran.
Si vous avez eu le malheur de voir ce film sans avoir lu une seule ligne de l'auteur, sans avoir le chef d’œuvre de Paul Schrader, surtout n'allez pas croire que les livres et le film de 1985 ne valent pas le coup. En fait, si cela peut vous rassurer, le Paul Schrader et les romans de l'écrivain sont aussi réussis que le Wakamatsu est nul.