Soudain j'ai vu, passer les oies sauvages
2 automnes 3 hivers est un de ces petits films d’auteur mignons tout plein qui se veulent légers et décomplexés. Loin du tumulte urbain et du stress quotidien, Sebastien Betbeder raconte dans son premier long-métrage les vies d’Arman, Amélie et Benjamin dans leur trentaine encore rêveuse où se croisent les sentiments les plus confus face à l’amour, la mort, l’amitié, la solitude ou l’absence.
Autant d’émotions délivrées comme elles viennent par les personnages en monologue face caméra de façon à prendre du recul sur les scènes qui les illustrent, et qui pour le coup, deviennent presque secondaires. Un peu comme si leur moi intérieur piloté par l’émotion prenait soudainement le pas sur la raison, faisant fi des conventions sociales. Comme des enfants qui décrivent ce qu’ils ressentent sur le moment, sans complexe aucun, tandis que la prise de vue en 4/3 vient renforcer le côté intimiste du récit.
S’en dégage ainsi une morale et un ton sous influence de la Guerre est déclarée, dont Betbeder récupère au passage le talentueux Bastien Bouillon en plus du style. Puis viennent la rafraîchissante Maud Wyler et le fabuleux Vincent Macaigne (laissons-là les blagues vaseuses sur les pomme-frites de côté voulez-vous…). Après la Bataille de Solférino, il mène ce petit conte au bout de son propos avec humour et tendresse toujours avec ce petit grain de folie qui ronronne dans la voix.
Des personnages d’autant plus attachants qu’ils portent avec eux toute la poésie et la simplicité de la composition de Betbeder, dont le talent s’inscrit aussi bien dans la mise en scène que dans les dialogues, lesquels, truffés de références au cinéma d’Eugène Green, Judd Apatow et à Michel Delpech, survolent les faits pour ne se contenter que de leur ressenti. Sur ces entrefaites, Bertrand Betsch dépose toute la douceur et la mélancolie de sa musique jusqu’au générique sur lequel soufflent à présent les « Vents Contraires ».
De la caméra discrète d’un cinéma aéré, Sébastien Betbeder filme les émotions selon ses propres codes en trinquant avec la lucidité du cinéma d’art et d’essai. Porté par le jeu délicat et candide de ses acteurs, 2 automnes 3 hivers est une grande bouffée d’air frais dans la petite lucarne du cinéma indépendant. Ca vide la tête, c’est positif, c’est bien, c’est bio. Qu’attendons-nous ? Je vous le demande ? Sortons prendre l’air et jouons-nous des vents contraires.