2 Sœurs
6.8
2 Sœurs

Film de Kim Jee-Woon (2003)

Il est des films qui vous marquent pour l'éternité du sceau de la beauté absolue. Ce tatouage gravé à jamais dans notre chair à vif nous suivra dans toutes les salles obscures pour nous rappeler que rien ne peut les surclasser. Deux soeurs est un de ces films. Chaque plan est une oeuvre d'art à décrypter, décortiquer, bourré de symboles. On pourrait presque apercevoir en transparence les coups de pinceau d'un maître impressioniste qui aurait passé des nuits entières à faire et redéfaire son oeuvre jusqu'à ce que les formes et les couleurs s'entremêlent de manière à créer un équilibre si beau mais si fragile que le moindre grain de sable dans cet écheveau complexe aux multiples ramifications viendrait le ruiner à jamais.

Heureusement nul grain de sable dans cette machine aux rouages parfaitement huilés qui nous livre là un joyau immaculé. Deux soeurs c'est avant tout l'histoire d'un drame humain. Ce drame se noue au coeur d'une famille coréenne plutôt aisée dont la relation fusionnelle entre les deux soeurs, qui ont perdu leur mère, leur sert de refuge pour nier leur nouvelle réalité. Leur père s'est remarié avec une marâtre dont elles se seraient bien passées. Histoire vue et revue donc, de Cendrillon à la comtesse de Ségur, en passant par un nom nombre de comédies bien lourdes sur le sujet. Seul change le conteur. Et ici Kim Jee-Woon se prête à l'exercice avec une précision d'horloger. Chaque seconde qu'égrène ce chef-d'oeuvre est un mystère, un questionnement. Qu'est-on en train de regarder ? De nombreux symboles jalonnent le film comme autant de torches dans la brume (le passage à lâge adulte, le deuil, l'amour filial, le concept de famille, ) pour guider le spectateur vers le dénouement tout en l'enjoignant à prendre son temps, à ne pas se focaliser uniquement sur la résolution du mystère mais à voir au-delà de ce qui se montre et se dit. La force du récit nous embarque dans le fragile esquif de ces deux soeurs tel un torrent indomptable et impétueux nous entrainant vers un destin inéluctable. La chute surprend autant qu'elle comble les nombreux questionnements soulevés par cette histoire de revenant, classique du cinéma asiatique (enfin c'est ce qu'on veut nous faire croire). Rien n'est laissé au hasard. Un second, voir troisième visionnage sera nécessaire pour apprécier toutes les subtilités de l'intrigue.

Le réalisateur n'hésite pas à jouer avec ces codes du cinéma d'horreur asiatique que nous connaissons bien. Le film prend parfois l'apparence d'un The Ring pour tromper les habitués du genre mais change aussitôt de forme pour nous emmener sur des terres inconnues. Le fantôme féminin aux long cheveux noirs a autre chose à raconter qu'une simple histoire d'âme vengeresse, pour notre plus grand bonheur.

La fin ne déçoit pas, elle ahurit. Le voile de la brume se déchire enfin et nous laisse pantois devant tant de maestria.

Créée

le 30 mai 2022

Critique lue 29 fois

1 j'aime

2 commentaires

Critique lue 29 fois

1
2

D'autres avis sur 2 Sœurs

2 Sœurs
RimbaudWarrior
5

Soeur souffrir

Bon, déjà, l'interdiction aux moins de 16 ans me fait doucement rigoler. Mais ça au moins, Kim Jee-Woon n'y est pour rien... Deux Soeurs parvient certes à faire sursauter une ou deux fois, mais en...

le 24 mars 2016

23 j'aime

8

2 Sœurs
Endless_
8

A bon entendeur : ça fait flipper.

Franchement, rares sont les films d'horreur qui m'auront autant fait flipper. Pourtant j'étais accompagné. Mais vous savez, c'est le genre de film où la pression finit par devenir tellement...

le 14 oct. 2012

22 j'aime

3

2 Sœurs
Lilange
6

Peut mieux faire

Je suis ressortie un peu frustrée de ce film. L'ambiance est bien là et l'esthétique est superbe, mais l'intrigue qui aurait pu être géniale n'était pas bien ficelée. Avec un minimum d'attention, on...

le 24 oct. 2015

15 j'aime

4

Du même critique

Tunic
Les-critiques-de-Jay
10

Tunic is Unic

Aussi mignon qu’exigeant, Tunic nous embarque dans une épopée onirique que l’on quitte à regret lorsque l’aventure touche à sa fin et qu’il nous faut poser la manette, le cœur lourd. Lourd de devoir...

le 4 mars 2023

2 j'aime

La Nuit du 12
Les-critiques-de-Jay
7

Le plus insupportable c'est que rien ne l'est

Les réalisateurs français (malheureusement pas tous) savent faire de bons films et le prouvent une fois de plus avec ce polar tranchant réalisé par Dominik Moll. Les thrillers frenchies ont cet...

le 20 août 2022

2 j'aime

Elvis
Les-critiques-de-Jay
7

Black , Blues, Bang

Depuis quelques années, chaque méga superstar se voit affublée de son biopic, tentatives d'hommage plus ou moins réussies qui essayent de montrer l'homme derrière la star en omettant, bien entendu,...

le 29 juin 2022

2 j'aime

2