Les réalisateurs français (malheureusement pas tous) savent faire de bons films et le prouvent une fois de plus avec ce polar tranchant réalisé par Dominik Moll. Les thrillers frenchies ont cet avantage du réalisme qui fait tant défaut à leurs confrères américains. Le film commence d’ailleurs avec une scène d’une force et d’une violence inouïe, l’annonce aux parents de la mort de leur fille. C’est donc ça le train-train des policiers de la PJ. Entrer dans le quotidien doucereux d’une famille et la détruire pour toujours en leur annonçant l’inacceptable, l’horreur, l’indicible.
La nuit du 12 dénonce l’absurdité de la vie, de la violence des hommes envers les femmes et des fantômes qui nous hantent. Le film ne délivre aucun message d’espoir, à part peut-être cette gentiane, symbole d’une beauté dont les pauvres enquêteurs sont privés à partir du moment où ils acceptent de faire ce boulot. Le laid est un fardeau qu’ils doivent porter jusqu’à la retraite (s’ils tant est qu’ils tiennent jusque-là).
Le déroulé de l’intrigue tient du film à suspense classique, si ce n’est que ladite intrigue restera irrésolue (c’est annoncé dès la première image), car la vie est malheureusement souvent faite d’incertitudes. Et quand bien même le fin mot de l’histoire est parfois trouvé, il se révèle la plupart du temps apagogique et d’une grande tristesse.
Nous suivons un duo policier porté aux nues par Bouli Lanners et Bastien Bouillon. Les deux acteurs réalisent là une très belle performance. Ils n’en font ni trop, ni pas assez et arrivent à faire passer des émotions, à travers une phrase, un regard, tout en pudeur. Leur frustration est palpable, mais elle est plutôt nourrie par l’incompréhension de ce monde où un jeune homme peut rire quand il parle d’une jeune femme brûlée vive qu’il connaissait pourtant intiment, où un homme peut insulter et envoyer sa compagne à l’hôpital, plutôt que par la non-résolution de l’affaire. Comme le dit le policier qui restera hanté jusqu’à la fin de ses jours par ce drame, « tous auraient pu le faire », et finalement c’est cela qui est le plus insupportable.