Snyder : un grec, deux doigts coupe faim !
Voilà un des plus grands films d'histoire de tous les temps. Avec 300, l'emphase est de rigueur. Le célèbre historien américain Zack Snyder nous propose ici une reconstitution extrêmement rigoureuse de la bataille des Thermopyles qui vit une poignée d’héroïques combattants grecs, principalement spartiates, affronter l'immense armée de l'envahisseur perse…
Trêve de plaisanterie, de reconstitution il n'est point, tant les erreurs sont nombreuses et grossières. Là n’est pas le propos de Snyder, il s’agit avant tout d'un film d'action, tiré d’une bd de Franck Miller, et pas une somme historique.
Je me demande toutefois dans quelle mesure Snyder se prend au sérieux, car certains considèrent 300 comme un film « fasciste ». De nombreux éléments iraient clairement dans ce sens, que ce soit volontaire ou non : la mise en avant du modèle spartiate, son eugénisme, sa cruauté envers les faibles, l’héroïsme de ses combattants prêts au sacrifice, luttant pour leur peuple, pour la « liberté » ; la « civilisation » qu’ils incarnent. Tiens, la civilisation, ça me rappelle des propos de Claude Guéant, ou, un peu plus loin, ceux d’un certain George Bush. On a aussi le culte de la force, ou de l’homme parfait soumis au groupe. Et rien ni quasiment personne ne s’oppose ou contredit ce modèle… Snyder est-il conscient de tout ce que véhicule son film ? Cette idéologie est-elle la sienne, dans le contexte de la présidence Bush adhérant à la thèse de Huntington sur le choc des civilisations et mettant en avant la lutte contre « l’axe du mal ? » Snyder est-il « innocent » ou assume-t-il cette idéologie ? J’ai bien du mal à répondre, il va falloir que je revoie le film pour examiner ça de plus près.
Car en même, temps, on a aussi l’impression que c’est avant tout le spectacle qui intéresse le réalisateur, bien plus que le fond. L’esthétique est première, les plans sont somptueux, s’accommodant d’autant mieux de personnages caricaturaux. Les images de synthèse sont là, dans l’ensemble particulièrement réussies, et au service de l’action. Snyder met en valeur la beauté des corps et des décors, avec de belles lumières. Visuellement, ce film est magnifique. Peut-être Synder en fait-il tout de même trop : ces corps huilés, pectoraux au vent, sont admirables mais on à là des golgoths à la musculature improbable. Sans parler de la mise en avant de personnages caricaturaux que ce soit Ephialtès, Xerxès ou certains de ses hommes.
Ainsi, on trouvera dans ce film la voix off impeccable ou pompeuse, les dialogues grandiloquents ou ridicules (ex : « son seul regret est d’avoir si peu à sacrifier »), les physiques des soldats au poil (encore que, les esthéticiennes ont dû avoir du boulot pour l’épilation complète), ou exagérément forgés à la gonflette et retouchés à l’ordinateur, les tenues des uns et des unes sexy à souhait ou carrément indécentes ; on se laissera porter par le film ou on s'insurgera contre les erreurs historiques ou la mise en avant du modèle spartiate, on trouvera la description des combats caricaturale, avec peu de victimes grecques, on alors on s'en foutra, de toute façon, les gentils c'est les Grecs…
Bref, je ne pense pas que ce soit un film consensuel, on adhère, on se laisse porter, ou on déteste. Je suis moi-même partagé, et il ne m’est pas facile de mettre une note à ce film. Sur le plan de l’action et de la beauté du film, c’est plutôt pas mal, un vrai plaisir pour les yeux. En revanche, sur le plan intellectuel, le bilan n’est pas le même : on est diverti, certes, mais aussi atterré par tant de stupidité. Alors selon son optique, ou son état d’esprit au moment de voir le film, on se laissera porter par les images ou on ricanera devant tant de bêtise.
300 est donc un bon divertissement : si vous aimez les guerriers en slip, allez jeter un coup d’œil, vous ne serez pas déçu. En revanche, si vous attendez d’un film autre chose qu’un divertissement décérébrant, mieux vaut passer votre chemin…