L'action aurait pu se passer sur la planète Wxzttypuit, où les redoutables armées du roi Wxÿppnd semaient la terreur et la désolation sur leur passage et où le courage des valeureux guerriers de la ville de Xmnndöpt parvint à les repousser le temps que les pauvres populations civiles s'enfuient sur l'île de Zhnnoÿt. Mais non, il a fallu que Miller la situe en Grèce antique.
Je n'ai pas lu cette bande dessinée. Plutôt crever. Je ne ferai donc pas d'analyse comparée entre ses planches et les plans du film (ce qui n'a par ailleurs que très peu d'intérêt), je me contenterai de me lamenter sur ce qu'est en train de devenir l'antiquité grecque dans l'imaginaire collectif de la jeune génération décérébrée par les superproductions américaines.
Il fut un temps où l'on disait que l'Antiquité avait inventé la démocratie, l'architecture et les mythes ; il fut un temps où on reconnaissait à l'Antiquité son immense influence sur nos cultures occidentales, où l'on ne concevait pas un édifice sans colonne et où l'on transposait en vers parfaits les pièces de Sophocle et d'Euripide ; un temps où tout le monde connaissait par cœur Thucydide et Hérodote, dont les écrits avaient été transmis à travers les siècles par le soin constant et minutieux de copistes ; un temps où le regard résigné de Léonidas dans la grande toile de David permettait d'exalter le sentiment républicain.
Et tout ça pour quoi ? Pour qu'un dessinateur et un réalisateur qui n'ont sans doute aucune idée de ce qu'est l'Antiquité (ils sont tous les deux nés aux États-Unis qui cumulent trois cents ans d'histoire), qui n'ont sans doute jamais vu une ruine de leur vie et qui n'ont certainement pas lu Winckelmann viennent prétendre offrir un "conte", une "épopée du XXIe siècle" digne d'Homère ? Et ce, à base de testostérone hurlante, d'abdos en acier et de postillons ? Genre Rambo chez les Grecs ?
300 est encore à l'heure actuelle le plus pitoyable et mauvais film que j'ai vu, et il le restera. Même au second degré il est affligeant. Même son éventuelle prise de position pour la guerre en Irak, qui aurait pu le rendre un peu polémique, s'avère factice. Il ne s'agit que d'un long déroulé creux de combats crétins entre mâles fiers de leurs couilles et de leurs idéaux moisis.
Je ne suis pas pour un retour de la toge. Laissons l'immense influence de l'Antiquité mourir peu à peu, victime de la modernité. Soit, c'est l'Histoire. Mais, par pitié, ne jouons pas avec son cadavre en décomposition comme avec un pantin en lui enfonçant des baguettes dans les aisselles et en lui faisant danser la gigue. Je vous en supplie. À genoux.