Gros morceau en perspective avec 300, LE film de Zack Snyder si un film doit illustrer sa filmographie, celui-là même qui lui a créé son capital notoriété et lui a permis d'entamer sa belle carrière à Hollywood. Bien. Autant le dire tout de suite. Je déteste ce film ! Chez Snyder, je distingue la forme (l'esthétique) du fond (le propos) : dans 300, je déteste les deux. Ce film me sort vraiment par les yeux. Mon intention première était de commencer par analyser le propos (pro-guerre en Irak et, dans le contexte de sa sortie, pro-Bush) et puis, connaissant la réponse des fans aux accusations de fascisme, je vais débuter par le côté esthétique. Car les fans répondent aux détracteurs – historiens et universitaires – qui ont disséqué Léonidas et sa clique de presque-nudistes ainsi : ce n'est qu'un film, qu'un divertissement, il faut arrêter de constamment réfléchir et de se prendre la tête. J'y reviendrais plus longuement un peu plus tard mais déjà, le « arrêter de réfléchir » n'est pas un argument décent. Quand l'auteur véhicule son idéologie aussi clairement (ce qui a été confirmé par Franck Miller, producteur et auteur du graphic novel originel), il vaut mieux au contraire, éviter l'entourloupe de cette propagande républicaine, ou du moins, s'il on est d'accord avec Snyder, être conscient de ce que l'on aime.
Mais, faisons comme si, et prenons dans un premier lieu 300 « juste » comme un divertissement. Et bien, pour ma part, ce n'est toujours pas ça. Ce film m'a désespéré. En rien il ne m'a diverti : ce n'est que vacuité et répétition de combats au ralentis (ces similis QTE qu'affectionnent tant Zack Snyder), contre des ennemis dont le « niveau » augmente sans cesse. Fantassins, puis cavaliers, puis rhinocéros et éléphants, puis artificiers (l'occasion d'un magnifique anachronisme), puis ninjas-orks (???) appelés Immortels (très courants en Perse à l'époque, ça va de soit) dans le film. Vous l'aurez compris : 300 fonctionne comme un Tower Défense (où il faut défendre les Thermopyles). Un des concepts les plus répétitifs du jeu vidéo. Et autant ça peut passer sur smartphone entre deux métros, autant au cinéma, c'est vraiment très limité.
Ça c'était pour le scénario et la construction du récit. Les deux tenant sur un demi post-it, passons à l'image. Beaucoup s'extasient sur l'esthétique léchée numériquement, ce grain irréel qui se veut épique et mythique. Alors j'ai déjà dit dans d'autres critiques que le style Snyder m’intéressait pour ce qu'il avait d'original. Sauf que là, c'est juste pas possible. D'un point de vue strictement visuel, j'en ai marre du film au bout d'une demie-heure. C'est trop retouché pour être immersif, et surtout pour être agréable. Découpé en une trentaine de morceaux parsemés dans un jeu, peut-être que cela donnerait des cinématiques de qualité. Mais là, c'est juste... enfin moi, ça me laisse de marbre.
Mais ce qui me rend le visionnage de 300 particulièrement désagréable, c'est l'esthétique entourant les Perses, et là la connexion avec le propos est obligatoire.
Preuve s'il en fallait, au passage, qu'il est malhonnête de vouloir se défausser en disant que 300 n'est qu'un divertissement qui ne mérite pas qu'on disserte dessus. Parce que la vision manichéenne de Snyder dans l'opposition entre Spartiates et Perses transpire à grosses gouttes à travers les couleurs mêmes du film. L'univers visuel perse développé dans le film est sombre, malsain, difforme et peuplé de monstres. Celui de Sparte est évidemment à l'extrême inverse, les corps des 300 sont sculptés comme les statues et la ville est lisse et blanche comme une colombe. Bref, les nuances n'ont pas le droit au chapitre dans 300. Les méchants sont plus-que-méchants, et de fait les gentils sont plus-que-légitimes pour massacrer du méchant pendant deux heures.
Concernant les Perses, présentés comme des esclavagistes pervertis et difformes (naturellement rejoint par le seul spartiate difforme : le bossus Ephialtés), c'est déjà assez de les voir se faire démembrer pendant tout le film, il faut en plus qu'ils soient horriblement traités. Présentés ainsi, déshumanisés, alors même que les Perses formaient une grande civilisation, pas étonnant que l'Iran se soit plaint. Quand on sait la métaphore des Irakiens que constituent l'armée fanatique du dieu-roi Xerxés dans le contexte de la sortie du film, c'est d'autant plus grave de les voir représenter ainsi. Là, on touche au film de propagande simplificateur et manichéen. Je ne suis pas le premier à franchir le pas et certains professeurs d'histoire du cinéma l'ont comparé à certaines « œuvres » de propagande du Reich représentant le juif comme un être déshumanisé également. Comme quoi, personne n'est à l'abri d'un point Godwin. Sans comparer Snyder à un nazi, on peut quand même se poser de sérieuses questions sur ce qu'il a voulu nous dire. Car Snyder crache clairement sur la démocratie dans son film. Les blablas du conseil (à moitié corrompu) sont mis en opposition à la glorieuse prise d'initiative (totalement illégale par ailleurs) de Léonidas. Ça m'a fait pensé à une phrase d'Anakin dans Star Wars II (moins de diplomatie et plus d'actions), sauf que dans le film de Lucas, c'est bien évidemment critiqué. L'antiparlementarisme, du moins occasionnel, développé ici est encore une des perches que tend Snyder vers ses détracteurs et accusateurs. Tout comme le massacre du messager en début de film semble se satisfaire du non-respect des coutumes diplomatiques de l'époque (ancêtres de nos règles internationales). Pour ma part, c'est plus le manichéisme poussé à l'extrême qui me fait détester ce film. Et son absence totale d'intérêt scénaristique et de réalisation passé la demie-heure devant l'écran.
Voilà, chacun se fera son opinion vis-à-vis des idées développées par Snyder (mais celui qui dit qu'il ne faut pas aller chercher plus loin est un crétin) mais une chose est claire : si ce n'est pour son propos, 300 est vide d'intérêt. Les ralentis qui se veulent classes comme unique ressort de mise en scène, c'est vraiment trop léger pour moi (et ces éléphants en numérique sont dégueulasses, ça n'a rien à voir mais je tenais à le préciser). Au final, si le film n'a légué à la pop-culture qu'un « Ahou, Ahou », ce n'est peut-être pas pour rien.
Et puis, il fallait bien que j'en parle : n'y a-t-il pas un paradoxe à voir le très républicain Zack Snyder faire un film crypto-gay ? Je veux dire, il n'y a aucun problème à cela, mais se rend-il seulement compte du ridicule de ses guerriers en calcifs ?