Jule (Mala Emde), étudiante en biologie qui vient de rater son examen pour avoir trop remplacé sa mémoire par celle de Google. Jan (Anton Spieker), étudiant en sciences politiques qui vient de ne pas obtenir la bourse sur laquelle il comptait, pour avoir tenu des propos trop ouvertement anti-américains dans son mémoire. Un montage parallèle montre alternativement la progression de ces deux jeunes gens l’un vers l’autre, jusqu’au point de jonction qui s’inscrira sur une aire d’autoroute, devant le vieux camping-car Mercedes 303 dans lequel Jule entreprend, cap au sud, une descente vers le Portugal. Deux voyages vers le père : Jule roule vers le jeune père réticent de l’enfant qui vient de signaler sa présence en elle ; Jan voudrait rencontrer l’homme grâce auquel il a été conçu, lors d’une nuit de fête qui aurait passagèrement détourné sa mère de son légitime époux...


Hans Weingartner, réalisateur du déjà très remarqué « The Edukators », en 2004, nous entraîne dans le sillage heureux de ce duo pas encore accouplé, mais au sein duquel l’attraction est immédiate. Un duo d’abord occasionnel, presque forcé, et qui, lancé sur les routes d’Allemagne, de Belgique, de France, d’Espagne et enfin du Portugal, se cherche, se flaire, se palpe à travers de grandes conversions en forme de joutes d’abord très théoriques (l’économie, l’écologie, le pouvoir, l’individu, la société...), puis de plus en plus tournées vers l’humain, le sensible (l’amour, le couple, la fidélité...)...


On le dit : « Les peuples heureux sont sans Histoire »... Ce raisonnement, transposé au roman, aboutit à l’observation que ce sont surtout les drames, les déchirements, qui nourrissent la matière romanesque... Ici, grâce au caractère éminemment spéculatif de ses dialogues à la fois vivants et profonds, grâce au charisme de ses deux jeunes acteurs, grâce au charme de ses plans et de la bande originale, grâce à l’humour bienveillant qui parcourt l’ensemble de son cinquième long-métrage, Weingartner réussit la prouesse de rendre fascinant, captivant, et jamais mièvre, cet accompagnement de la naissance d’un amour. Il n’est pas fréquent que toute une salle, constituée d’adultes a priori très sérieux, éclate en applaudissements lorsque survient enfin le premier baiser ; et ceux qui n’applaudissaient pas, par retenue, souriaient béatement dans l’obscurité...


Un road-movie amoureux qui ose croire à ses rêves et s’offre le luxe de démontrer leur validité, entraînant son public dans cette conviction. Se priver d’un tel bonheur serait non seulement regrettable, mais impardonnable...

AnneSchneider
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Films où il est question de la paternité, frontalement ou latéralement.

Créée

le 8 oct. 2018

Critique lue 1.7K fois

21 j'aime

16 commentaires

Anne Schneider

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

21
16

D'autres avis sur 303

303
Electron
7

Personne n’appartient à personne

Ils sont jeunes (24 ans), plutôt mignons, sympathiques et intelligents et le hasard va leur faire passer de nombreuses heures en tête-à-tête, puisque Jule (Mala Emde) accepte d’emmener Jan (Anton...

le 7 oct. 2018

8 j'aime

10

303
Roinron
8

Blablacar mon amour, c'est tellement mieux en Mercedes !

Pas distribué en salles dans ma ville, je n’ai pu voir ce film que plusieurs mois après sa sortie, en streaming sur le site de la médiathèque municipale. 303 est pourtant un très joli film qui aurait...

le 22 nov. 2019

6 j'aime

7

303
Cinephile-doux
8

Comédie romantrip

303, avec son titre peu commercial, sa maigre exposition au milieu de l'été, ses acteurs inconnus et son réalisateur autrichien, Hans Weingartner, qui n'évoquera que des souvenirs à ceux qui ont vu...

le 26 juil. 2019

1 j'aime

Du même critique

Petit Paysan
AnneSchneider
10

Un homme, ses bêtes et le mal

Le rêve inaugural dit tout, présentant le dormeur, Pierre (Swan Arlaud), s'éveillant dans le même espace, mi-étable, mi-chambre, que ses vaches, puis peinant à se frayer un passage entre leurs flancs...

le 17 août 2017

80 j'aime

33

Les Éblouis
AnneSchneider
8

La jeune fille et la secte

Sarah Suco est folle ! C’est du moins ce que l’on pourrait croire lorsque l’on voit la jeune femme débouler dans la salle, à la fin de la projection de son premier long-métrage, les lumières encore...

le 14 nov. 2019

74 j'aime

21

Ceux qui travaillent
AnneSchneider
8

Le travail, « aliénation » ou accomplissement ?

Marx a du moins gagné sur un point : toutes les foules, qu’elles se considèrent ou non comme marxistes, s’entendent à regarder le travail comme une « aliénation ». Les nazis ont achevé de favoriser...

le 26 août 2019

71 j'aime

3