Magie éternelle du cinéma romantique « moderne » : en plus d'être géométriquement exact (une « ronde » est effectivement circulaire), 360 a un titre tout prêt à s'appliquer à son programme contemporain de remotivation mondialisée de la pièce de Arthur Schnitzler, puisque c'est à une révolution complète autour du monde et des affres de l'Amour avec un grand A que le film se propose de se livrer (360, t'as compris?). Finie donc la légèreté délicieuse et francocentrée de la première adaptation de Max Ophuls : le temps est aux grandes leçons universelles et totales auxquelles 360 s'attelle avec un sérieux inaltérable. On sera donc assez aimable de stopper là toute comparaison avec le chef-d'oeuvre de Ophuls : cette version « next generation » appartient définitivement, reconnaissons-lui au moins cela, à une autre époque. C'est que La Ronde de 1950 arrivait comme une forme de valse foisonnante des sentiments assez inédite (le seul précédent direct étant peut-être le très beau Chaînes Conjugales, un an plus tôt, de Mankiewicz) et donc totalement libre, tourbillon ludique et déroutant qui envoûtait sans mal. Alors qu'au contraire, il n'est plus question ici de liberté ou de nouveauté : le film se contraint immédiatement au cahier des charges plus que limité d'un genre aujourd'hui monnaie courante et généralement cataclysmique, le (frissons dans l'assistance) « film choral international ».
360 vient donc ainsi tout naturellement se lover dans les règles compassées et la mécanique artificielle de la commande. A savoir délivrer une réflexion « profonde » mais pas trop spécifique quand même sur l'Amour partout et à toute heure qui, devinez quoi, est en fait partout et à toute heure plus ou moins le même : autant dire que l'immersion totale dans l'extraordinaire variété des sentiments amoureux ne s'embarrasse pas vraiment de complexité, préférant à l'étude minutieuse un survol vaguement divertissant et sans substance. Pour cela, le film se contente largement de mettre en place une série de situations capillotractées à peine investies par des personnages prétextes, situations auxquelles on tente de donner un semblant de laborieuse cohérence : on aura donc au menu un couple bobo anglais brisé dont l'une se console avec un photographe brésilien, l'autre avec une prostituée slovaque, un garde du corps russe frustré qui refera sa vie avec la sœur de ladite prostituée, la petite amie du brésilien suscité qui aura après avoir découvert le poteau rose une histoire à l'aéroport avec un prédateur sexuel en rédemption...enfin vous visualisez. Ou pas du tout. En tout cas, le résultat est un petit objet superficiel et complètement fonctionnel, pas antipathique et parfaitement dérisoire, qui se regarde avec une indifférence à peine polie, et dont les leçons de vie un peu neuneus se dispensent grâce à une tendance naturelle au stéréotype et aux métaphores lourdes comme des parpaings. Paradoxalement, ce diktat de l'efficacité et de la limpidité finit par rendre le discours illisible et même parfois suspect : apprenez par exemple qu'il n'y a point de salut hors du couple, et encore moins pour les putes et les maquereaux, ou que dans la vie on peut toujours choisir plusieurs routes (sic). En somme, que le postulat soit géographique (New York Je T'Aime ou le récent To Rome With Love par exemple) ou comme ici thématique (l'Amour partout et à toute heure donc), ces tentatives chorales se heurtent toujours au même problème  : elles cherchent à compenser leur parfaite et irréfragable facticité par un discours édifiant et parfois pontifiant à l'usage de tous, distillé qui plus est avec le plus grand sérieux.
Pour tout dire, ce spectacle absolument insignifiant et sans conséquence ne gênerait par ailleurs pas trop si son responsable n'était pas Fernando Meirelles, autrefois cinéaste prometteur qui, bien que toujours touche-à-tout, avait réussi coup sur coup il y a quelques années à donner un sacré coup de pied dans la fourmilière du polar sud-américain (La Cité De Dieu), puis à dépoussiérer avec un lyrisme évocateur l'exercice périlleux d'adaptation de John Le Carré (très beau The Constant Gardener). Aujourd'hui, le voilà en train de passer d'un statut d'éclectique très capable à celui de petit faiseur de peu de prix qui ne se distingue plus vraiment du tout-venant préposé aux coproductions internationales subventionnées sans saveur. Enfin, il se distingue encore un peu bien heureusement pour lui et pour 360 : au moins le prestige de plus en plus relatif du nom permet-t-il au film d'éviter le naufrage total. Car si Meirelles semble se changer lentement mais sûrement en manufacturier sans âme, sa maîtrise formelle demeure indéniable, et le film a au moins pour lui une fluidité et une sobriété plutôt inhabituelles dans l'exercice : on aura ainsi droit à un ratio minimum d'effets de manche (on dit bien « un minimum », l'Amour tout court et sans cervelle étant tout de même sujet bien trop léger pour y échapper), et même à une poignée de scènes plutôt plaisantes relayées par quelques bonnes performances (Rachel Weisz ou Jamel Debbouze en tête), preuves que Meirelles garde encore une certaine habileté de metteur en scène et de conteur, même dans un projet aussi insipide. Car que personne ne s'y trompe : cette Ronde, pardon ce 360, si elle ne donne tout de même pas la nausée, ne donne pas non plus exactement le vertige, loin s'en faut.
jackstrummer
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le 13 janv. 2014

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