Mi fugue mi raison
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Cette critique ressemble plus à la mise au clair de mes ressentis qu'une pure analyse de l'oeuvre. Vous êtes prévenus.
37°2 le matin est peut-être l'un des plus grands films sur la mise en récit du soi, l'influence d'autrui sur notre propre personne. Il y a un je ne sais quoi de purement cassavetien chez Beineix qui filme Dalle/Anglade : étirement du temps, de la durée du film, comme pour chercher à éterniser ce moment de grâce et de communion entre ces deux êtres qui ne font plus qu'un. Mais cassavetien surtout dans la (con)quête de liberté de ces deux jeunes gens, symboles d'une modernité toujours actuelle, car la modernité ne s'est jamais aussi bien définie que par la recherche de liberté.
Et c'est en cela que le film me touche : Zorg est une grande personne en puissance, qui ne s'assume pas, tandis que Betty est un déclencheur, un révélateur, un sublimateur du réel. Présentée avec ambiguïté (troubles psychologiques comme le laisse présager le scénario ? héroïne comme le suggère quelques remarques ? les deux ?), il est beau de voir cette femme vivre parce qu'elle est énergie, parce qu'elle vit intensément et inspire les autres. En cela, je vois en ce personnage une muse libérée de tout carcan, artiste et intéressante par sa philosophie de vie.
Les personnages sont très bien pensés, et cela se voie par le duo mis en scène. Il n'y a pas de domination scénaristique : le film n'est pas fait pour que Dalle brille toute seule, ce sont deux acteurs qui sont entrés en communion et qui joueront à deux jusqu'au bout. De cette scène d'amour qui inaugure le film, à cette fin ou il parle avec le chat en répondant aux bribes imaginaires de Betty, chaque scène questionne et approfondit le couple plutôt que le personnage ou, pire, l'acteur.
Et cela se voit dans ce qu'il y a de plus réussi dans ce film : l'odyssée qu'accomplit le spectateur à travers la profondeur révélée du personnage de Zorg. Il est un type qui passe son été au bord de l'eau, avec une nana qu'il a rencontré et qui le passionne. Et puis l'on se rend compte que la passion n'est pas unilatéralement dirigée vers le symbole de liberté qu'est Betty. Elle passionne parce qu'elle est passionnée et capable de voir en Zorg ce qu'il nous était pas encore donné de voir en lui : un artiste. Il n'est plus simple personnage, pauvre mec qu'on accompagne le temps d'un été. Il est suspecté d'être une grande personne. Et le doute planera jusqu'au bout : et si c'était le grand auteur de littérature du XXème siècle que tout le monde attend ? Qu'y a-t-il de plus beau que de voir en tout un chacun la grandeur d'âme de ceux avec qui on oserait pas se comparer ? Et si Zorg avait le talent de Proust ?
Bref, le film est tout à fait brillant pour des centaines de raisons, pour des dizaines de scène : la peinture, Dalle qui câble et qui jette toute la maison par la fenêtre, les scènes où on attend le courrier, ou Darmon met la lettre dans sa bouche... Mais tout ce qui traverse ce film, c'est l'une des choses que j'aime le plus dans le cinéma : lorsqu'on prend conscience du réel et qu'on joue avec pour le révéler et le sublimer, faire de notre propre et simple vie celle d'un unique et grand artiste. Zorg est peut-être un personnage qui me touchera plus que Swann, qui sait. Et moi, je suis quelqu'un d'aussi grand, si ce n'est plus, que Hugo, Mozart, et même dieu. En tout cas, c'est ce que le film m'a poussé à croire le temps de trois heures. Si c'est pas beau ça !
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2021: ça devient sérieux
Créée
le 4 déc. 2021
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