Comme d’autres comédies américaines des années 1980-1990, telles que Risky Business ou Les Aventures de Bill et Ted (avec pourtant du Tom Cruise ou du Keanu Reeves dedans), ¡Three Amigos! n’est pas très connue de ce côté de l’Atlantique mais reste une référence pour nos amis américains, comme en atteste ses nombreuses références dans d’autres œuvres complices. Et si l’excellente série The Office a le bon goût de le citer plusieurs fois, un œil curieux s’impose.
Et puis c’est un film de John Landis et il faut voir les films de John Landis. Regarder cette bonne bouille ! Comment ne pas avoir envie de voir tous ses films même les moins connus ?
Avec ¡Three Amigos!, John Landis offre une amusante comédie pastichant le western, dont le point de départ est une évidente référence aux Sept Mercenaires. Dans le Mexique du début du XXème siècle, Carmen et Rodrigo, deux habitants du petit village de Santo Poco, cherchent de l’aide pour les aider à se débarrasser d’El Guapo, bandit à la tête d’une armée de truands qui régulièrement vient enquiquiner la population. Personne n’est prêt à aider le duo implorant, jusqu’à ce qu’ils découvrent la projection d’un film muet en noir et blanc. Dans le métrage, trois cowboys en habits de mariachis font régner l’ordre et la justice, vaillants, preux et désintéressés, comme de bien entendu.
Carmen va donc leur envoyer un télégramme pour leur demander de l’aide, mais ils n'en recevront qu’une version tronquée et vont mal comprendre le message. Car ces trois valeureux héros ne sont en fait que des comédiens, qui ont connu un certain succès avant d’avoir été renvoyés de leur studio. Ils interprètent le message comme une demande de spectacle qu’ils acceptent bien volontiers. Leur arrivée à Santo Poco déconcerte, avec leurs costumes flamboyants, leur exubérance et une certaine naïveté mais ils seront acceptés. Avant que le quiproquo n’éclate.
La supercherie ne pouvant qu’éclater, le spectateur attend ce moment, même si le film prend son temps pour y arriver. Une fois que les trois Amigos décident de se battre pour des valeurs qui leur étaient inconnues, le métrage prend une tournure plus maîtrisée, avec un but plus évident, mais aussi même une certaine fantaisie qui s’invite dans leur périple. A l’image de cette balade sous la nuit étoilée, où tous les animaux se rassemblent pour venir écouter leur chanson, ou même de ce buisson chantant, vraiment, qui sera la plus grande excentricité du film.
La confrontation avec El Guapo qui se prépare est d’autant plus intéressante, que le personnage ne manque pas d’intérêts, ainsi que ses troupes. Assez loin de la brute sanguinaire attendue, il ne faudrait toutefois pas trop le chauffer. Sa clémence est toute relative, et sa fraternité réelle avec ses hommes est appréciable, il faut voir l’enthousiasme de son interprète, Alfonso Auro, devant le cadeau d’anniversaire offert par ses troupes.
Bien entendu, le film tout entier repose sur les épaules pailletées des trois Amigos qui ont l’enthousiasme bon enfant et une certaine candeur qu’ils mettront bien du temps à quitter. Leur orgueil de comédiens n’est pas de la vanité, juste une mauvaise lecture de leur environnement. Ils recherchent sans cesse le spectacle, avant tout pour le plaisir de leur public. Ils ne sont guère malins, c’est certain, mais ils ont malgré tout une envie de bien faire, à défaut de savoir comment bien le faire. Ils sont ridicules, mais sans jamais être moqués de manière mesquine, plutôt de bon coeur.
Si quelques personnages dont El Guapo seront les sujets de quelques plaisanteries ou gags, il est évident que tout repose sur eux. Il y a bien sur leurs chorégraphies et leurs shows, hors de propos dans les contextes employés. Mais aussi tous leurs dialogues, assez amusants, avec d’excellentes répliques. Et John Landis sait mettre en valeur leurs regards interloqués, leurs boues dubitatives ou leurs sourires trop assurés.
C’est d’autant plus facile que le trio d’acteurs fait partie de ce qui peut se faire de mieux comme acteurs comiques des années 1980. Tous trois ont d’ailleurs fait partie de la célèbre distribution de l’émission satirique Saturday Night Live, qui a révélé une grande partie des meilleurs comiques américains de ces dernières décennies. Lorne Michaels, l’un des co-scénaristes du film, est d’ailleurs le créateur et producteur du légendaire show.
Steve Martin, qui est aussi le principal architecte du scénario, est toujours aussi bon, plus je le vois plus je l’aime. La même année, il était formidable dans son rôle secondaire de La Petite boutique des horreurs. Chevy Chase poursuit une décennie so 80’s riche en succès (plus populaires de l’autre côté de l’Atlantique que chez nous, une fois encore) après Le Golf en folie, Bonjour les vacances… ou Fletch aux trousses. Et bien sur dans les années 2010 la formidable série Community. Faussement stoïque, il a un pouvoir comique dans le regard assez saisissant, très drôle. Martin Short fait ses premiers grands débuts, il sera à l’affiche l’année suivante avec L’Aventure intérieure de Joe Dante. Il est peut-être le moins drôle des trois, mais son jeu assez naïf lui offre la possibilité d’être la conscience du groupe.
Pour cette aventure folle et mexicaine, John Landis n’hésite pas à reconstituer un Mexique assez saisissant, où la poussière et le sable sont partouts, avec de belles trognes de brigands. Et beaucoup, beaucoup de poules aussi. Le vice est même poussé à faire quelques clins d’oeil cinéphiles amusés, à l’image de ces rambardes de balcons qui n’offrent aucune solidité aux corps qui s’effondrent dessus, de même pour ces tables qui volent en éclats comme du petit bois. Le film est tourné en Technicolor, comme à la bonne vieille époque des films saturés en couleurs. Et certains plans font ainsi très western, avec de beaux paysages mais aussi des intérieurs qui sont présentés comme des scènes de plateaux, probablement un acte de malice de John Landis qui connaît ses classiques et ces films qui raffolaient des scènes en studio.
Pourtant, il semble y avoir par moments une certaine mollesse dans certaines scènes, des séquences qui s’étirent un peu trop, notamment dans les débuts. John Landis était alors en procès pour un terrible accident survenu lors du tournage du film de La Quatrième Dimension, le montage est principalement dû au studio de production Orion, qui a notamment coupé de nombreuses scènes et peut-être étendues certaines qui n’en nécessitaient pas tant.
Qu’importe, ¡Three Amigos! amuse, grâce à sa douce folie et surtout ses trois personnages avec sa belle brochette de gentilles andouilles incongrues incarnées par de très bons acteurs comiques. L’histoire est bien plus faible, mais tant pis, le film offre un humour réjouissant et divertissant. J’aurais bien aimé une suite, un !Quatro Amigos ! avec Dan Aykroyd, John Beluschi ou Robin Williams en bonus, rêvons un peu.