Sans aucune doute l’un de mes films préférés de 2018, affirmé en janvier et non démenti depuis !
Le film met en exergue un mal insidieux : l’oubli et la complaisance, la banalité du mal. Quand la violence se fait trop présente, trop régulière, elle devient soudain un élément du paysage et n’indigne plus. Les panneaux rouge écarlates de Mildred (Frances McDormand) sont là pour nous interpeller : non, ce n’est pas normal, où est passé notre indignation ? Martin Mcdonagh utilise également le film pour questionner la culpabilité, sentiment particulièrement intime et vaste de conséquences.
Le film est d’une richesse rare pour le genre, à savoir une historie à cheval entre enquête et vengeance, saupoudré de touches sociales. Chaque personnage est très bien écrit, avec beaucoup de nuances. Et c’est ce refus du caricatural, du cliché qui donne sa puissance à cette représentation de l’Amérique rurale. Fini les histoires où on ne montre que des ploucs rednecks (excusez- l’expression, ici pas de « bons » ni de « méchants », et une réalité plus complexe qu’attendue.
Mildred est une femme en colère, elle jure, insulte et refuse le compromis. Et en même temps elle est torturée, par son propre comportement envers sa fille, ce qui lui donne des ailes quant à son plan.
Les acteurs sont tous excellents et sont aussi bons dans les passages dramatiques que dans les pointes d’humour du film. Je me dois encore une fois de féliciter la performance de Sam Rockwell toujours excellent et juste. Frances McDormand et Woody Harrelson ne sont pas en restent, avec des interprétations authentiques. Sans parler du rôle de Peter Dinklage, dont l’incongruité donne une très bonne touche d’absurdité au film.
Si Martin Mcdonagh verse par moments dans des facilités d’écriture ou l’excès de bienveillance envers ces personnages (la rédemption express d’un notoirement flic raciste, bête et violent est-elle vraiment crédible ?), le réalisateur sait compenser ses défaut et finalise une oeuvre authentique, émouvante.