3 from Hell
5.3
3 from Hell

Film de Rob Zombie (2019)

Comment ruiner l’une des meilleures fins de l’histoire du cinéma ? À cette question, Rob Zombie avait sa petite idée dans un coin de la caboche, lui qui a toujours clamait à qui voulait l’entendre qu’il n’en avait pas encore fini avec ses personnages. On le savait musicien, clippeur et réalisateur, mais le bougre est aussi ressusciteur des morts à ses heures perdues et a donc décidé d’exhumer les corps décatis de la famille Firefly pour une nouvelle virée d’enfer avant qu’il ne soit trop vieux ou du moins trop tard pour l’un d’entre eux. Cela n’aura échappé à personne que Sid Haig était largement mal en point depuis quelques temps déjà, foudroyé par une violente pneumonie qui finira par l’emporter avant-même la sortie du film. Pas de quoi forcément rassurer les fans, surtout après la dernière sortie de route du cinéaste (31) qui en dépit d’indéniable qualités esthétique (superbe photographie signé David Daniel) et d’une frénésie meurtrière malheureusement chevillé aux contraintes pécuniaires de production amorçait une pente déclinante vers le caveau. Cessons donc de vous faire miroiter le retour en grâce du métalleux prodige, car l’enfer promis n’aura pas lieu. Rob Zombie se contente de nous livrer les relents faisandés de son cellier sur lequel toute sa clique de dégénérés à déjà posé les mains. En revanche si l’odeur de charogne ne vous rebute pas et que vous n’avez peur de saigner des oreilles et des yeux, nul doute que ce 3 From Hell sera tout de même plus supportable à regarder que le Suicide Squad de David Ayer.


Si on écarte la suspension d’incrédulité de ramener les Firefly à la vie et de ne condamner à mort que le patriarche de la famille, que reste-il de cette nouvelle cavale sous acide qui n’épargne rien ni personne, pas même les minorités ethniques. Dans ce monde sans foi ni loi, où les psychopathes et tueurs de masses sont portés en liesse, où les seules figures morales vers lesquelles se tourner (directeur de prison véreux, matonne despotique) apparaissent limite plus vicelardes que ces meurtriers, comment éprouver la moindre sympathie pour qui que ce soit dans ce vaste capharnaüm ? Si Bill Moseley possède l’aura magnétique d’un Charles Manson, le personnage perd largement en puissance d’évocation derrière ses barreaux de prison. À l’instar de Sherri Moon Zombie, leurs personnages respectifs ne sont plus que des caricatures d’eux-mêmes, des pantins à la solde du divertissement, tentant de manipuler l’opinion public tout en reproduisant leur caractère névrotique mécaniquement pour glaner une immortalité que la fin de The Devil’s Rejects leur avait métaphoriquement offert. Dans leur course à l’audimat, un demi-frère dont on a jamais entendu parler va se joindre à eux pour reconstituer la trinité du diable. À sa décharge, Rob Zombie reste néanmoins fidèle à ses marottes et thèmes de prédilection. Seulement le film ne se repose exclusivement que sur son défilé de barges et de gueules patibulaires (cartel mexicains affublé de masque de lutteur, nain hispanique tueur, redneck aux ongles noirci et aux dents pourris), de meurtres crapoteux et de dialogues obscènes autour d’une intrigue aussi dépouillé qu’un cadavre écorché vif que l’on aurait laisser pourrir au soleil. Au-delà d’un portrait d’époque, il s’agirait plutôt d’un fantasme morbide de son réalisateur, reproduisant les mêmes situations à la limite du fan service et de l’auto-parodie comme s’il avait lui-même revêtu les oripeaux du Captain Spaulding, en jurant odieusement avec cynisme que de toute façon, c’est bien pour les gens que ces.


Après son introduction façon émission sensationnaliste, le film investis l’univers carcéral pour verser dans l’un de ses sous-genres préférés du cinéma d’exploitation, le WIP (Women in Prison) avec ses abus et bisbilles entre lesbiennes codétenues avant de bifurquer vers une prise d’otage sanguinolente ce que son montage fragmenté ne saurait rendre d’avantage horripilant. Une fois le trio au grand complet, les voilà donc repartie pour une courte série d’exactions sur les routes du Sud des Etats-Unis sans jamais rencontrer la moindre résistance. Manifestement Rob Zombie n’a plus l’air de savoir où il va, s’échouant dans une impasse artistique comme ses protagonistes dans un motel perdu au milieu de rien, et ce que révélera d’ailleurs l’un des échanges entre Otis et Coltrane qui n’a dès lors plus rien de fortuit (« C'est quoi le plan ? » demande l’un, « Aucune idée, je ne pensais même pas qu’on arriverait jusque là » répond l’autre). Faute d’idées neuves, et de pérégrinations à nous proposer, le réalisateur s’égare dans ses errements avant d’envoyer son trio au Mexique en plein jour des morts afin de parachever leur résurrection et ainsi orchestrer un dernier carnage en référence à La Horde Sauvage de Sam Peckinpah dont l’atmosphère crépusculaire et le nihilisme contaminait déjà The Devil’s Rejects. Les délires grindhouse de Haunted world of el superbeasto finiront alors par rentrer en collision avec l’euphorie macabre et couleurs bariolés de La Maison des 1000 Morts, pour le pire plus que pour le meilleur. Excrémentiel plus que démentiel, Rob Zombie se vautre alors comme un goret dans sa crotte. Les scènes gores ne saurait sauver la faiblesse d’exécution de ses mises à morts grand-guignolesque. Ses effets numériques et son montage chaotique tendent à révéler toute l’artificialité de cette mécanique de prédation, comme un assaisonnement bon marché qui chercherait à masquer la puanteur de cette viande avariée. On devine bien que le cinéaste a troqué les millions contre une liberté anarchique totale. Mais il y a des démons qu’il vaut mieux garder enfoui, au risque de passer pour un sinistre abruti.


À ce que l’on dit, c’est le voyage qui compte, pas la destination, et les détours mortels surtout... Alors si toi aussi tu aimes bouffer de l'asphalte au sens propre comme au figuré, rend toi sur L’Écran Barge. Tu y trouveras quantité de sérial-autostoppeurs et de chauffards frustrés.

Le-Roy-du-Bis
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le 20 sept. 2024

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