La fête de Yuma
Un western qui louche du côté du film noir (Kalian, avoue que ça t'excite mon cochon). On y retrouve l'atmosphère tendue des films policiers : noir et blanc efficace, sueur sur les corps, guerre...
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le 15 mai 2011
46 j'aime
9
Le remake de 2007 signé James Mangold est un de mes grands coups de cœur cinéma, l’un de mes westerns modernes préférés. Cela faisait très longtemps que j’avais envie de découvrir l’original, la version de 1957 de Delmer Daves.
Le confinement a cet avantage d’offrir du temps en veux-tu en voilà : j’en ai profité pour dégoter et visionner ce western. Et je l’ai beaucoup apprécié !
Dès sa sortie, le film est salué par la critique et entre rapidement dans le cercle des classiques, un must-see bien au-dessus de l’habituelle ribambelle de productions peu chères de série B.
Le journaliste ciné Louis Seguin écrivait dans le Positif de février 58 : "Pour qu’une somme aussi grande de cadrages recherchés et pour qu’un découpage qui fait plus que frôler la préciosité semblent au premier regard aussi naturels, il fallait que l’auteur des Passagers de la nuit y ait mis beaucoup de passion. Derechef, l’une des plus heureuses surprises de ces deux dernières années".
Il faut dire que dans 3h10 pour Yuma, la mise-en-scène est très recherchée : le noir et blanc est impeccable (grâce au magnifique travail du chef opérateur Charles Lawton Jr) et les mouvements de caméra fluides donnent au western une touche épique hors du commun. Un cadrage en particulier revient tout au long du film et en est la cause : les travellings panoramiques verticaux, surtout ascendants, qui panotent d’un gros plan pour monter et nous offrir des plans d’ensemble et des décors sublimes.
Cinquième incursion de Delmer Daves dans le genre, 3h10 pour Yuma tend à abandonner l’image du héros paternaliste tout puissant – l’archétype étant John Wayne chez John Ford – pour s’orienter vers des personnages plus complexes, en proies aux doutes et aux conflits psychologiques.
Le protagoniste principal, Dan Evans doute face à la tentative du malfrat de le soudoyer avec une grosse somme d’argent. Le gangster, Ben Wade, n’est pas la figure du méchant classique, mais est présenté comme homme galant et raffiné, qui prend plaisir à observer les déconvenues des cowboys.
Mais pour moi, le principal avantage de 3h10 pour Yuma – et ce qui fait que j’aime autant cette version de Daves que le remake de Mangold – est la richesse de son scénario.
C’est l’histoire d’un fermier d’Arizona, Dan Evans, fine gâchette qui mène une vie tranquille avec sa femme et ses deux fils, et qui se retrouve embarqué dans une affaire qui va rapidement le dépasser.
A la suite d’un braquage de diligence et du meurtre du conducteur, le chef de gang Ben Wade est arrêté par le sheriff d’une petite ville. Wade a laissé filer sa troupe, et s’est attardé au saloon pour courtiser la charmante tenancière. Quelles folies ne fait-on pas pour les beaux yeux d’une belle !
Le voilà constitué prisonnier dans une bourgade qui n’a pas de prison et pas les moyens de résister à la bande de gangster qui menace de revenir à tout moment délivrer leur boss.
Pour une prime de 200$, notre fermier Dan Evans va accepter d’escorter le criminel jusqu’à la ville de Contention City, où passe le train pour la prison de Yuma.
3h10 pour Yuma est avant tout une fable sur l’honnêteté et la persévérance. Quand tout se retourne contre la justice, Dan est le seul à tenir le coup dans la tempête et risquer sa vie pour le bien de sa mission. "Les gens ont le droit de vivre en paix" sonne comme la morale de cette histoire, où il est inconcevable de laisser un vaurien s’en tirer, sous la pression de ses sbires. Pour le personnage de Dan Evans, il ne s’agit pas tant d’héroïsme suicidaire, mais de droiture et de justice : il est important que ses enfants soient fiers de leur père, l’homme qui a mis Ben Wade dans le train pour Yuma.
Avec ses nombreux rebondissements et moments d’action et de tension, le film possède également de nombreuses touches comiques qui lui apportent une légèreté bienvenue. Que ce soit la séquence du coupage de viande « avec le gras à part » lorsque Dan cache le temps d’un dîner Wade dans sa ferme ; ou la traversée finale de Contention City sous le feu ennemi jusqu’au train, où Ben Wade se « prend au jeu » et encourage Dan dans sa mission, ces moments d’humour – que l’on retrouve avec plaisir dans le remake version Mangold – projettent le western dans une autre dimension.
Un dernier mot sur la musique, magnifique ici, en particulier les morceaux à la guitare. Le film s’ouvre par ailleurs sur une superbe chanson écrite pour l’occasion par George Duning, et chantée par **Frankie Lain**e, celui qui interprétait déjà la fameuse chanson du générique de Règlement de comptes à OK Corral.
D’une modernité surprenante, aussi bien dans le scénario que sur la forme, 3h10 pour Yuma rentre illico dans mon panthéon des meilleurs westerns !
Il me tarde de découvrir le reste de la filmographie de Delmer Daves (en particulier Les passagers de la Nuit et La flèche brisée, ses plus connus) !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs westerns, Les plus belles affiches de films, Mes réalisateurs préférés : l'Antichambre ;), Les meilleurs films de 1957 et Et s'il ne fallait en garder que... 50 films pour la décennie 1950 - Mes Immanquables
Créée
le 24 mars 2021
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