4 mois 3 semaines 2 jours vous prend à la gorge, oppresse, tiens en halène jusqu'à la fin, pour nous lâcher d'un coup, brut. Car c'est dans cette tension permanente que le film excelle, tout du long. Ces échanges de regards qui ne nous lâchent pas, ces détails, et surtout ces plans immensément longs, d'une tension, d'une extrême intensité.
Au commencement, les choses, les évènements, les actes, les paroles, ne sont que suggérées, on ne comprend qu'après, comme si l'on assistait ça et là à la vie qui continue son court sans se soucier de quoi que ce soit d'autre. Plongé dans le grand bain d'un monde : celui de deux étudiantes, en coloc, dans un foyer d'étudiant en Roumanie. L'univers crade, sans chichi, d'un monde gris et terne, où la violence est présente, en permanence, sans être dit, sans être vu, mais ça se sens.
Le film est un long avortement sous tension, dans une Roumanie des années 80 où l’avortement est un crime et puni par la loi.
Cela se passe dans une chambre d'hôtel, à l'abri du dehors. Un homme se tient parmi les deux filles : l'une est l'amie, l'autre la future avortée. Et alors la tension se fait. La scène éternelle d'explications, la conscience de la fraude, de l’illégalité, de la prison.
Le bourdonnement des sonorités sourdes, froides, comme pour s'immerger encore plus dans cette pesanteur qui nous tord les membres.
L'homme est là et il explique ce qu'il va faire, comment il va procéder pour exécuter le dit acte, l'avortement sauveur. Le risque du danger. Il faut prendre soin à ne pas mettre de traces de sang sur les draps, sur le lit, alors on met un sac plastique et puis c'est bon. Alors on angoisse des paroles, des mots, de l'acte qui peut virer de travers, qui peut ne pas marcher, car il faut évaluer le pire. Ainsi, il y a le risque immense de la prison, alors l'angoisse encore, permanente, dans la pièce à l'abri du dehors, la boule au ventre et la déglutition qui a du mal à se faire. L'homme catégorique, clair, précis, qui ne veut pas d'emmerdes, qui veut un truc clair, carré, une réponse au poil. Oui ou non. Elles hésitent, flippent, angoissent, s'embrouillent, se perdent. Car il y a l'importance de la chose, on ne peut pas retourner en arrière. Non.
Ainsi, tout du long, il y a cette tension, ce mal-être permanent, qui nous embarque littéralement dans l’atmosphère inquiète d'un avortement. La sobriété des images, la lumière crue comme pour accentuer le côté blafard de l'angoisse, la suffocation du monde où tout ne tient qu'à un fil. Il suffit d'attendre qu'il n'y est plus rien dans le ventre, et alors tout sera terminé. Débarrassé d'un poids beaucoup trop lourd.
4 mois 3 semaines 2 jours est un beau film. D'une sobriété blafarde, d'une cruauté qui fait penser à Paria, d'une justesse des êtres humains, des conversations qui fusent, faisant penser au magnifique Secrets et Mensonges de Mike Leigh.
Ainsi, tout est dans la subtilité, dans l’atmosphère, dans la sensation des regards perdus, inquiets, la boule au ventre.
Et il y a cette magnifique scène : l'anniversaire d'une mère, et le plan fixe, immensément long, sur Ottila et son copain. Autour, tout parle, jacasse, rigole. Ottila reste inerte, angoissée, fait semblant de sourire. On sait son amie seule dans la chambre d'hôtel, une sonde entre les jambes, attendant que la chose dans son ventre s’expulse d'elle-même. On sait et avec elle on a peur.
Et avec ça, toute la tension d'une scène inerte qu'on voudrait voir s'accélérer pour pouvoir rejoindre l'amie avortée, seule et inquiète dans la solitude d'une chambre d'hôtel.
Le film se finit brutal, sans prévenir, comme l’atmosphère asphyxiante de tout un film.
Et alors, c'est comme si l'on avait retenu notre respiration tout du long avant le grand plongeon.
Foudroyant.
=> A retrouver sur mon blog