I'm gonna smoke my cigarette, and I'm gonna die.
« Abel Ferrara est là ! », c’est ce que l’on pourrait se dire en regardant ce 4h44 Dernier jour sur terre, fable ontologique et témoin de notre société actuelle. On a un couple qui fusionne dès les premières minutes sur des images RATED-R, ramenant sur les devants de la scène la dimension érotique, totalement éludée du cinéma contemporain. Ferrara filme avec maestria Willem Dafoe et Shanyn Leigh (interprétant Cisco et Skye), amoureux donnant tout son sens à l’expression « faire l’amour ». Puis d’un coup d’un seul, Ferrara pose en face de cela une dualité assez troublante, tout le monde fait ses adieux à ses amis et proches par le biais de Skype. Où est passée l’humanité ? En est-elle réduite à s’étreindre par wifi lorsque la fin approche ? Puis est-ce que le couple Cisco et Skye est un vrai couple d’amour, où sont-ce deux personnes, certes attirées l’une par l’autre, mais dont le but premier est davantage d’avoir une personne à serrer contre soi lorsque l’heure fatidique arrivera ? De grandes questions qui sont principalement celles abordées par le cinéaste, d’où le fait que la bobine soit si courte, contrairement à celles faites par d’autres. Pour lui pas besoin de poser des dizaines de personnages pour expliquer l’humanité, il lui en faut deux, puis quelques seconds histoire de quand même donner un minimum d’épaisseur à son œuvre.
Puis aussi Ferrara en profite pour faire table rase sur son passé trouble, sans non plus virer à l’extrémisme primaire, nous fait comprendre pourquoi, ou tout du moins essaie de façon détournée, il a stoppé drogue et autres excès, s’il faut affronter la mort, autant le faire en la regardant droit dans les yeux, et non avec l’esprit brouillé par des narcotiques. C’est une chose qui ne se produit qu’une seule fois dans sa vie, alors autant ne pas en altérer le « plaisir ».
Enfin, le cinéaste offre à Willem Dafoe un rôle qui semble être devenu celui qui lui convient le mieux, et cela contre tout attente, celui du mâle aux traits prononcés, le vrai mec, celui qui plaisait il y a quelques décennies mais a laissé place aux jeunes androgynes. Lars Von Trier l’avait déjà fait avec Antichrist où Dafoe se mélangeait âprement avec la jolie Charlotte Gainsbourg, laissant ici sa place à la non moins troublante Shanyn Leigh.
4h44 Dernier jour sur terre c’est le film ultime de fin du monde, que ça soit dans son développement que dans sa date de sortie, in extremis avant que nous disparaissions tous. Ou alors peut-être est-ce les rêveries d’un auteur qui nous avait déçu avec ses dernières bobines. Dans les deux cas on achète et on se laisse bercer par ce presque huis clos rythmé par la fantastique bande-originale signée Francis Kuipers.