On y va à reculons, et on en sort impressionné
Impressionnant de maîtrise que ce film d'Éric Tessier. L'ambiance s'installe rapidement, avec une photographie efficace et sans fioritures, soutenue également par un scénario gravement efficace. On ne va plus vous lâcher jusqu'à la fin, d'ailleurs point d'orgue d'une lente et méthodique descente vers la folie, dans tous les sens du terme.
Ici, pas de background, ou très peu, puisqu'on arrive brusquement dans un univers où spectateur comme personnages sont des étrangers. Chacun va se révéler avec ingéniosité.
Plus précisément, on part dès les dix premières minutes vers un bon huis clos, puis l'action se transforme méthodiquement vers un thriller psychologique impressionnant de maîtrise. De la gamine d'une petite dizaine d'année au chef de famille, en passant par l'ado rebelle et le héros introverti, tout le monde va jouer un rôle crucial, et surtout chacun va évoluer.
Chaque personnage est développé avec soin pour coller à une réalité plausible et cohérente. Et quelque part je trouve ça vraiment flippant, parce qu'en plus de planter le décors d'une banlieue banale et presque universelle, Éric Tessier va choisir une poignée d'acteurs complètement en dehors des standards Hollywoodiens. Les acteurs ne sont pas beaux, en dehors de Yannick, ils sont “communs“. Ils sont typés ou passe partout, cette famille complètement hallucinante et psychotique pourrait être vos voisins. Vraiment. Mais n'allez pas croire qu'ils sont lisses, même Anne, qui pourtant ne parle pas a une trame intéressante, même si elle est plus courte que les autres. On a donc un film terriblement immersif et cohérent à ce niveau.
Bref, le film fait gamberger et se ronger les ongles avec ses personnages.
Et puis le malaise est un vrai régal en soi, car l'ambiance alterne des points de tensions bien gérés avec des phases plus introspectives et donc beaucoup plus intimistes, qui vous feront monter la pression artérielle et vous offriront aussi une photographie carrément innovante. Même si certains crieront au déjà vu (Trainspotting, le Cinquième Élément, ou ce que vous voulez...) Ces phases sont très bien gérées, surtout vu le budget du film. (4,7 millions de $) L'ambiance sonore quant à elle est discrète, et vient renforcer le socle du film, déjà très bon.
Mais le plus impressionnant viens sans conteste du scénario. Le film ne paie pas de mine, mais vous offre un déroulé d'une rare densité, et qui plus est particulièrement bien mis en scène. À aucun moment on n'est gêné par la diction particulière du des Québécois, même si le "Kâââlice" fait sourire ponctuellement. On se rend vite compte que l'interprétation est de très bonne facture, et permet d'assoir le côté anxiogène et étouffant de certaines scènes, puis d'en apprécier chaque rebondissement jusqu'à l'impeccable dénouement.
Les situations sont bien trouvées, cohérentes et surprenantes parfois, mais toujours bien écrites. On “vit“ vraiment les péripéties de Yannick.
J'ai également trouvé la destruction intellectuelle de Yannick bien gérée, avec le côté syndrome de Stockholm et le rattachement obsessionnel au jeu d'échec pour s'en sortir. On glisse vers une psychose et une démence impressionnante, tout en préservant un bon suspens. Nickel.
Et pour finir, la fin vous botte littéralement les fesses avec son retournement subversif et bien trouvé.
BREF, UN FILM COMME ÇA, ÇA FAIT VRAIMENT PLAISIR ! REGARDEZ-LE !