Un fermier britannique qui a de la bouteille (Jay Wilde : lui-même), éleveur de vaches, se confie face à la caméra. Il avoue ne plus supporter d’envoyer ses vaches à l’abattoir. A force de les côtoyer, il les connaît et il sait que chacune a son caractère, son expérience de la vie. De ce fait, sa relation avec elles est de l’ordre du sentimental et il considère qu’après avoir vécu en bonne intelligence pendant des années, les envoyer à l’abattoir relève de la trahison. Problème : comment s’en sortir financièrement s’il décide de les garder ?
On peut raisonnablement imaginer qu’il n’aurait jamais franchi le pas s’il était resté seul avec son exploitation. Mais voilà, un jour il a accueilli une stagiaire (Katja) avec qui le courant est bien passé. Il lui a demandé de rester vivre avec lui. A deux, ils sont certainement plus forts et ils ont retourné le problème, jusqu’au moment où ils ont décidé de franchir le pas. Depuis, leur exploitation est désignée comme la ferme des zinzins par les gens du coin.
BAFTA du meilleur court métrage (documentaire) au Royaume-Uni, 73 cows (nombre réel invérifiable), ne faisait pas partie de mes priorités dans le programme des Nuits en or 2019 et c’était une erreur. Si vous avez l’occasion, n’hésitez pas à le découvrir. Il montre un couple de fermiers amoureux de leur métier, des êtres humains sensibles et attentifs à ce qui se passe autour d’eux. Chacun s’inquiète de l’autre et chacun réfléchit à ce qu’il est possible de faire. Avec une part de mise en scène, Alex Lockwood les aide à dresser une sorte de bilan de ce qui s’est passé sur une période de plusieurs années, surtout si l’on tient compte du temps de réflexion et de maturation des idées. On voit les deux protagonistes dans leurs activités de fermiers (ils commentent en voix off), mais également face à la caméra, pour retracer l’évolution de leur réflexion. On sent clairement leur dilemme, puis leur délivrance morale de pouvoir repartir sur de nouvelles bases correspondant à leur volonté profonde.
De ce court métrage assez simple dans sa forme, il se dégage une impression formidable. L’incroyable angoisse initiale fait ensuite place à une belle sérénité en forme de leçon de vie. Oui, il est possible de passer à autre chose pour défendre ses convictions, même encore aujourd’hui dans ce monde dominé par les intérêts financiers. Un film très pudique, à l’image de ses protagonistes, qui réussit le tour de force en 15 minutes de faire sentir nombre de difficultés du métier de fermier en 2019, la sensibilité des protagonistes (aussi bien dans leur relation personnelle que dans leurs relations avec les animaux et la nature) et les questionnements fondamentaux auxquels ils sont confrontés. Tout cela ne peut pas laisser indifférent.