Années 50,dans une grande maison bourgeoise isolée dans la campagne,alors que Noël approche.Il s'agit de la demeure de Marcel,un riche industriel de la région,et de son épouse Gaby.Ils hébergent Catherine,leur fille cadette de 17 ans,ainsi que la mère et la soeur de madame,tandis que deux domestiques,la cuisinière Chanel et la femme de chambre Louise,occupent aussi les lieux.Au matin,alors que Suzon,la fille aînée qui étudie à la ville,rejoint la famille pour les fêtes,on découvre monsieur mort sur son lit,un couteau planté dans le dos.C'est la panique et le psychodrame,d'autant qu'il devient vite évident que seule une des femmes présentes a pu commettre le crime.Les nanas,coincées dans la baraque,car le téléphone a été coupé,la voiture sabotée,le portail bloqué,essaient elles-mêmes d'enquêter et de résoudre l'affaire,bientôt rejointes par Pierrette,la soeur du défunt.On va découvrir au fil des échanges les personnalités et les secrets inavouables de chacune,toutes ayant un mobile crédible pour avoir occis Cécel.Les films de François Ozon sont tous très différents les uns des autres,il change constamment de style et de sujet,ce qui l'amène ici à adapter une vieille pièce,sa première, du dramaturge Robert Thomas,créée en 58.Il signe scénario,adaptation et dialogues en compagnie de Marina de Van,son actrice fétiche du début de sa carrière.L'oeuvre avait déjà été portée au cinéma en 60 par Victor Merenda,sous le titre "La nuit des suspectes".C'est un choix curieux de la part d'Ozon,Thomas ayant une médiocre réputation d'auteur boulevardier cédant volontiers à la facilité.C'est sans doute injuste,sa contribution à la comédie policière n'étant pas si négligeable si on prend la peine de la réévaluer.Il est vrai que les incursions du gars dans la réalisation ciné ont un peu terni son aura,c'est notamment lui qui a shooté le diptyque "Mon curé chez les nudistes"-"Mon curé chez les Thaïlandaises".Quoi qu'il en soit,on a là une adaptation très libre de la pièce,Ozon y imprimant sa patte personnelle.Le dispositif est visuellement très travaillé,le cinéaste s'attachant à créer une ambiance feutrée et cosy avec cette cambrousse hivernale enneigée et les intérieurs luxueux de cette maison meublée à l'ancienne,très beaux décors d'Arnaud de Moleron,et ces costumes d'époque aux couleurs mi-vives mi-pastel imaginés par Pascaline Chavanne,ce visuel prégnant étant soutenu par une agréable photo très propre signée Jeanne Lapoirie,chef-op attitrée du réalisateur.L'atmosphère classique est renforcée par l'excellente musique de Krishna Levy.Ozon a donc eu des moyens pour installer son visuel,le film étant solidement produit par la Fidélité Productions d'Olivier Delbosc et Marc Missonnier.En contrepoint de cet aspect vieillot,les auteurs proposent une histoire et des personnages à la fois modernes et hypocrites,le vice se répandant de manière continue sous le vernis d'irréprochables apparences.On retrouve bien là le sens du paradoxe du réalisateur,mais aussi sa tendance à la frime et à l'épate,l'extrême stylisation servant surtout à masquer un certain vide fondamental.C'est particulièrement frappant dans l'utilisation de chansons interprétées par les actrices,chacune ayant droit à la sienne,des tubes autrefois célèbres mais largement oubliés depuis,cette sélection ressemblant à une coquetterie de plus et à un moyen détourné de gagner du métrage,les auteurs ayant visiblement une confiance limitée dans leur intrigue un peu mince.Ceci dit ça raconte quand même des choses,et les affrontements entre ces gonzesses sont d'une rudesse souvent réjouissante.Au départ,on croit avoir affaire à un film féministe,mais le déroulement de l'histoire révèle progressivement la vraie nature,pas vraiment reluisante,de ces donzelles en furie.Se dévoile ainsi un gynécée se voulant respectable mais marqué par les habituelles tares humaines,à savoir l'obsession de l'argent et du sexe.On a une avare pathologique empoisonneuse à ses heures,une vieille fille frustrée et vierge en manque d'homme,une épouse infidèle,une lesbienne amoureuse,une ex pute bisexuelle et tapeuse,une jeune fille bien sous tout rapport mais enceinte de façon incestueuse,une ado chipie et une soubrette pas farouche.Misogynie?Pas forcément,ou du moins pas seulement car il s'agit plutôt de misanthropie vu que le seul homme de l'histoire est lui aussi une sacrée pourriture qui trompe sa femme avec une maîtresse qu'il a installée à domicile sous couvert d'un statut d'employée,qui a engrossé sa belle-fille,laquelle ignore qu'il n'est pas son vrai père,et qui cache à tout le monde qu'il est ruiné.Bien sûr le magnifique casting fait beaucoup pour la qualité du film,un bataillon de stars de différentes générations se déployant sur l'écran.Danielle Darrieux est formidable en aïeule pingre et profiteuse simulant le handicap.Catherine Deneuve et Fanny Ardant sont royales en belles-soeurs antagonistes partageant sans le savoir le même amant,qui les a blousées toutes les deux,leur corps à corps belliqueux évoluant vers l'étreinte étant un sommet d'érotisme.Isabelle Huppert est elle aussi fantastique en moche aigrie et agressive se transformant en pin-up,la chrysalide devenant papillon.Virginie Ledoyen est parfaite en fausse ingénue mais Ludivine Sagnier,une habituée du cinéma d'Ozon, est trop vieille pour son rôle,elle ne ressemble que de loin à une jouvencelle et tente de compenser en forçant son jeu à l'infantilisme,ce qui n'est guère convaincant.Firmine Richard enfin jure un peu dans le tableau,elle n'est pas au niveau des autres et son personnage trop mélodramatique la dessert.Reste une impériale Emmanuelle Béart,qui survole le lot et irradie l'écran en bonne sexy et insolente,faisant un sort à toutes ses répliques aiguisées.Au final,le film parvient à transcender sa théâtralité originelle tout en la respectant.Ce n'est pas très profond mais ça constitue toutefois un divertissement haut de gamme.