Dans les années 70, Hal Ashby a réalisé beaucoup de très bons, voire grands films qui portaient la patte d'un cinéma plus engagé, loin des codes de la bienséance. Je pense à Harold & Maude, La dernière corvée, Shampoo, En route en pour la gloire, Retour et Bienvenue Mister Chance, une décennie prolixe mais riche en succès critiques et commerciaux. Puis les années 80 sont arrivées, et on dirait que le réalisateur a perdu son karma, enchainant bide sur bide, jusqu'à ce 8 millions de façons de mourir qui sera non seulement son dernier film, mais il sera viré à la fin du tournage, laissant le studio massacrer le film sur son dos.
Il est vrai que ce polar est assez étrange, au rythme assez mou, mais où est par contre très bien restituée la moiteur du climat californien. Jeff Bridges joue un flic traumatisé par une bavure où il tue un trafiquant sous les yeux de ses enfants ; devenu divorcé, alcoolique et détective à son propre compte, il décide de s'occuper de la protection d'une prostituée, mais qui cache en fait un baron de la drogue.
Déjà, et c'est criant dès les premières secondes ; c'est marqué du sceau des eighties, avec tous ces codes visuels, musicaux, voire narratifs, ce qui place d'emblée l'objet dans un registre presque historique, je dirais pour mon plaisir. Je ne comptais plus les chemises hawaïennes, la prostituée qui est forcément à poil à un moment donné, les vestes à épaulettes, les queues de cheval, le synthétiseur de James Newton Howard et surtout les coupes mulets qui sont à profusion. Si vous voulez, ça fait penser un peu à l'esthétique de Miami Vice.
Ça n'éclipse quand même pas le fait que l'intrigue soit cliché au possible, mais on sent que Hal Asbhy s'en fout, pour traiter en fin de compte de l'alcoolisme de Jeff Bridges, enfin son personnage, par le biais de cette enquête qui sonne plus comme un chemin vers la rédemption. Même si dans les moments où il boit, l'acteur semble en faire beaucoup, comme dans la scène à l’hôpital.
Les acteurs sont plutôt bons, avec en plus Rosanna Arquette et Andy Garcia dans le rôle du dealer psychopathe, où ils se donnent à fond. Même si ça donne parfois des situations incongrues, comme le final dans le hangar, ou la première rencontre entre Bridges et Garcia qui se fait ... en mangeant une glace !
C'est peut-être le fait que j'aime beaucoup Hal Ashby, mais je ne peux pas me résoudre à descendre en flèche ce film, objectivement moyen, massacré par ses producteurs, où le scénariste Oliver Stone a voulu retirer en vain son nom de l'affiche... Mais il faut reconnaitre que 8 millions de façons de mourir est un vestige plutôt potable des années 80, mais il y a bien mieux à cette période.
Quoiqu'il en soit, l'échec commercial cinglant du film sonnera le glas de la carrière d'Hal Ashby, lequel se tournera vers la télévision avant de décéder en 1988.