Face à l’inertie des politiques et aux calculs des hommes influents, des personnes de tous horizons se sont réunis sur internet. Ils ont crée leur propre pays, la démocratie la plus pure où chaque vote compte, chaque décision est prise à la majorité, sans leader, juste des citoyens. C’est 8th Wonderland, un espace de discussions et d’échanges, mais aussi le point de départ d'actions, pour changer le monde.
Les débuts sont modestes, les évènements décidés avant tout symboliques. Il s’agit d’imprimer une Bible parodique au nom de Darwin puis d’installer des distributeurs de préservatifs au Vatican. Avec leur tentative de s’opposer à la peine de mort en kidnappant la dinde graciée du président américain, c’est un échec, mais le début d’une reconnaissance dans les médias. Leurs actes sont scrutés, jugés. Un imposteur se présente comme le fondateur. Mais, surtout, leurs décisions, de victoires en victoires, vont aller de plus en plus loin. Leur moralité va alors passer au second plan.
À quoi ressemblerait la démocratie la plus pure à l’heure d’internet ? Nicolas Aberny et Jean Mach en proposent une version libertaire, où la seule limite est celle du nombre. Cette communauté virtuelle doit faire face à de nombreux défis. Ils sont extérieurs : le réseau est recherché par la police, leurs succès usurpés par un autre, toutes leurs actions commentées par les médias. C’est d’ailleurs un point important du film, le regard extérieur sur leurs actes, commenté par les journaux télévisés et émissions politiques de tous pays. Mais les problèmes sont aussi intérieurs : les différents membres ont leur personnalité, des égos s’affichent, des erreurs sont faites. Le film, cependant, insiste beaucoup sur la notion de dialogue, les décisions difficiles de ces insurgés sont commentées entre eux. Le scénario fait d’ailleurs intervenir un grand nombre de personnages, tout en accordant à chacun une feuille d’identité suffisamment remplie pour bien les cerner. Ces personnages ne sont d’ailleurs pas rocambolesques, mais bien assez terre-à-terre, humains, normaux, avec leurs raisonnements et leurs petits problèmes.
Malgré un certain acheminement dramatique concernant le sort de 8th Wonderland, Nicolas Aberny et Jean Mach ont leur idée sur la question d’un tel espace de liberté de la parole mais aussi d’action sur internet. Les évènements affreux dont le site est responsable semblent dédouanés à la lueur des dernières images. L'existence d’un tel site semblait prophétique en 2009, ce n’est pourtant pas encore arrivé.
Il y a malgré tout une certaine naïveté dans le film, qui ne tient pas seulement sur la question des possibilités d'un tel site. Pour leur défense, le film date de 2009, une époque optimiste sur la direction et les avancées que prenaient Internet. Certains éléments du scénario ne tiennent pas debout, décrédibilisant le sérieux que veut afficher le film. Il est difficile de croire en leur impunité, en leur secret. Le site web est public, il demande juste un mot de passe. La cooptation s’étend au fil du film sans que les autorités arrivent à agir. Ils sont peut-être infiltrés, mais en tout cas pas très réactifs. C’en est même au point où la personne chargée de les poursuivre, qui est en fait un des leurs, se connecte depuis son ordinateur personnel et communique, à la vue de tous. Et aux oreilles, puisque les conversations se font oralement. Il est impossible de croire que personne autour de lui ne puisse entendre ce qu’il leur dit.
Toutes ces conversations se font donc en anglais, dans un esprit d’ouverture, mais pas d’universalisme. Toutes ces personnes sont filmées devant leur écran. Pour la confidentialité, on repassera. Et l’interface est une sorte de grande ronde avec les écrans de chacun. Enfin, de quelques uns, des mêmes qui donnent l’impression que les décisions sont prises par eux, que par eux.
C’est un des écueils du film, sa représentation de 8th Wonderland, qui ne peut pas fonctionner. Elle est visuelle, elle est sonore, et c’est pour les besoins du cinéma, pas pour les raisons intrinsèques de son existence. Une interface textuelle serait plus plausible, mais sans le même le cachet à l'image.
Et c’est probablement comme ça qu’il faut accepter le film, pour les questions qu’il pose, surtout en ces temps un peu agités de revendications sociales. Sur internet, sur la démocratie participative, sur des questions morales nombreuses et variées. C’est son grand mérite. Car le film est aussi fadement réalisé, avec des acteurs aux qualités et implications diverses. Top d’éléments du scénario sont mal travaillés et auraient mérités d’être un peu mieux polis. L’intensité dramatique est mal réglée, elle nous échappe. Le sort de 8th Wonderland apparaît alors secondaire dans le film, mais jamais les questions posées.
Bien que le film soit français, prenez soin de sélectionner l’anglais comme langue dans les options du Blu-Ray/DVD, ou de télécharger cette version. Elle respecte les différentes langues du film. En français, tout ou presque a été doublé, et sans aucune conviction : à fuir comme la peste.