Boule de pétanque et capuche du dimanche

Deux lames, trois types encapuchonnés. Michael Fassbender, Marion Cotillard, Justin Kurzel; le trio gagnant de Macbeth à l'origine d'un chef-d'oeuvre de toute beauté. Adaptation de jeux-vidéos, réputation de médiocrité. Le film s'était déjà fait plomber l'aile avant même qu'il ne sorte; mauvaise foi des uns, manque de confiance des autres, les raisons étaient multiples et variées. Certains avaient même vu le coup venir; ils savaient qu'ils seraient déçus, et y sont allés pour forcément en ressortir déçus.


C'était un peu mon cas : je ne savais trop que faire devant pareil film. D'un côté, certaines images montrées étaient très alléchantes; le saut de la foi, les combats, Fassbender en capuche. De l'autre côté, certains détails me faisaient peur; les plans accélérés qui t'en prennent la tête, le manque cruel de rythme, Marion Cotillard en tant qu'actrice, c'était pas bien joli.


Sauf qu'Assassin's Creed, c'est toute mon enfance; autant que de Michael Fassbender, je suis fan de ces assassins en capuche qui se dissimulent dans la foule, la lame rétractable acérée, prêts à frapper. Comment ne pas être impatient? Finalement, c'est très bon. Très imparfait, mais jouissif à l'extrême; ses acteurs sont excellents, ses combats particulièrement jouissifs ( quand ils ne sont pas dans les 20 premières minutes ). Fassbender a une gueule, une vraie, et un charisme intense. Il transpire la classe, et respire l'âme des assassins. En somme, l'acteur est né pour le rôle.


Un rôle qu'il tient merveilleusement bien, aux côtés de deux têtes d'affiche plutôt célèbres. Outre un Jeremy Irons peu marquant ( pour ne pas dire inexistant ), l'on notera surtout la présence très remarquée de Marion Cotillard. Catastrophique dans son "jeu d'actrice", très mauvaise doubleuse, sans charisme et fade au possible, elle gâche tout une partie du film; me demandez pas ce qu'elle est venue foutre ici, je n'en ai pas la moindre idée.


A son arrivée, ricanement de la salle. Perte de crédibilité totale. Faut bien dire que les 20 premières minutes n'étaient pas là pour nous aider à nous plonger dans le film; montage dégueulasse et brutal, plans trop rapides qui tuent la lisibilité de l'action, mise en scène approximative et dialogues hasardeux. Et Marion Cotillard qui joue la méchante énigmatique, mais qu'est gentille dans l'fond.


Qu'on se le dise, là sont les deux gros soucis du film : Cotillard et le montage dramatiquement dérangeant. C'est brutal, le tempo de cut est mauvais, tellement que c'en vient même à casser l'intérêt que l'on pourra porter au film. Seulement, après ces 20 premières minutes, le film se lâche vraiment dans son délire et nous livre un divertissement de qualité avec une certaine personnalité visuelle ( Justin Kurzel oblige ).


Photographie magnifique, sublime jeux d'ombre et de lumière; c'est cela, l'art de Kurzel. Personnalités ténébreuses sous un ciel brumeux, air vicié à la couleur de flammes. Avec lui, tout est sombre, tout est triste, badass et romantique; c'est du romantisme à l'état pur, un tableau dépeignant nombre de sentiments complexes et contradictoires, qui font que le film tempère ses personnages, nuance ses tons pour ne pas sombrer dans un manichéisme simplet.


Assassins et templiers, nul n'est bon; nul ne mérite de vivre ou de mourir. Ils ne méritent même pas d'exister, d'aimer; le vide complet, c'est ce que méritent assassins et templiers.


Kurzel, c'est aussi une mise en scène qui a du souffle, en plus de récits qui ont de la gueule. C'est quelque chose d'à la fois personnel et universel, sorte d'épopée de tous les Ages où se croisent le fer et le sang. S'y couplent un scénario complexe et bien retranscrit ( encore que le retournement final s'avère très mal amené ) ainsi qu'une bande-son du tonnerre de dieu, rendant le tout épique, grandiose et oppressant ( avec une grosse influence de Junkie XL ).


Au final, Assassin's Creed se caractérise un peu comme un ersatz de Macbeth : atmosphère lourde et pesante, combats filmés de manière particulière, couleurs chaudes et épaisses, sorte de brume enflammée. L'on notera également un énorme soin visuel en ce qui concerne l'Animus ( en plus d'une excellente transition entre le présent et le passé ), des assassins qui ont de la gueule, quelques petits effets spéciaux ratés ainsi qu'une amusante influence de la mise en scène de George Miller pour son Mad Max Fury Road ( durant la scène de course poursuite en chariot ), le montage charcuté en plus.


Verdict : Assassin's Creed est un film sympathique mais casse-gueule. Porté par des qualités non négligeables, il affiche cependant nombre de défauts. Sans atteindre les sommets de la précédente collaboration du trio, il réussit complètement son pari en nous livrant une oeuvre fidèle, intéressante et divertissante, sans non plus de propos d'auteur renversant. Le jeu étant bien respecté (cf la scène de street run), nul doute que les fans y trouveront leur compte.


Edit 02/10/2019 : Le film, malgré ses qualités esthétiques et le charisme de Michael Fassbender, pâtit de l'interprétation désastreuse de Marion Cotillard, décidément mauvaise dans les productions américaines, et d'un problème de rythme totalement envahissant qui donne l'impression finale de visionner un film charcuté par sa boîte de production, démonté au montage puis remodelé selon les souhaits de la maison de production.


A l'image du Hitman de Xavier Gens, Assassin's Creed souffre d'énormément de défauts de rythme visibles à l'écran : parfois trop contemplatif, parfois bordélique dans son action, on le croirait retourné pour le rendre plus dynamique, plus proche de ce que les producteurs pensent que le grand public attend. Résultat? Un montage absolument immonde pour un film qui ne pose jamais ses enjeux, ses personnages et son histoire, jouant beaucoup trop sur le fait que les spectateurs connaissent déjà la franchise et son principe.


L'on se questionnerait même sur la présence à l'origine de cet exosquelette d'Animus, qui dynamise les séquences dans le passé sans penser à la logique des déplacements induits par cette nouvelle machine, qui dépassent, en distance parcourue par Aguilar, les possibilités de course/escalade de cette petite salle. De là à dire que c'est un rajout que ne voulait pas Kurzel, plus habitué aux films lents et contemplatifs (comme l'est une partie infime du film, sur la dernière demi-heure), il n'y a qu'un pas.


C'est d'autant plus curieux que même sa fin ne correspond pas à son déroulé; plus lente et dans l'émotion (même si gâchée par le jeu désastreux de Cotillard), elle conclue l'oeuvre en toute quiétude, conduisant sur un ultime plan sympathique et bien fidèle au jeu, promesse d'une suite prometteuse (cette introduction avait de bons côtés) qui ne viendra malheureusement jamais. Quand on voit le résultat, il est légitime d'espérer une Director's Cut pour voir à quoi devait ressembler, à la base, le premier film grand public de ce formaliste de Justin Kurzel.

FloBerne

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