Alors que pas mal de spectateurs y allaient de leur petit bashing bien senti, mon mauvais a priori à l’égard de Bright n’avait de cesse de croître : la faute à une bande-annonce fort peu enthousiasmante, la dernière grosse prod’ de Netflix faisant mine d’annoncer un divertissement bourrin, d’autant que l’ami David Ayer semblait également destiné à ne pas quitter sa zone de confort (du tape-à-l’œil à base de gros bras).
Difficile de faire pire que le naufrage Suicide Squad pouvait-on penser, mais là n’était en aucune façon un motif de pré-réjouissances, d’autant que son enrobage sociétal posait question : simple trompe-l’œil visant à étoffer artificiellement le fond de l’affaire, ou véritable tremplin pour un cinéaste à la recherche d’un second souffle ? In fine, si Bright écope d’une mention correcte, force est de constater que les mauvais échos l’accablant ne sont pas sans fondements en raison de ses maigres prétentions.
Embrassant à l’excès sa thématique raciale, le film manque clairement de finesse dans son propos, état de fait semblant transpirer jusque dans la forme de ce polar fantastique : avant d’évoquer la formidable matière à disposition, convenons que les tribulations de son tandem archétypal ne sont pas sans inspirations graphiques, à ceci près que l’ensemble fait mine d’être des plus timorés. De surcroît, nous serions bien en peine de concéder à Ayer les bienfaits d’une mise en scène léchée, ce dernier s’en tenant à du grandiloquent usuel (comme escompté) : certes, l’étiquette action du tout est alors plutôt bien assumée, mais rien de sensationnel à se mettre sous la dent... si ce n’est quelques élans de mauvais goût prêtant à sourire (par contre, la BO n’aura pas été aussi envahissante que je le craignais, bon point).
Bref, pas de miracle sur le plan formel, bien que le chara-design des diverses races soit on ne peut plus satisfaisant. Plus important désormais, le cas de figure de Bright n’est pas sans rappeler Jupiter Ascending en termes de potentiel de background : ici, ses références médiévalo-fantastiques, transposées dans un cadre contemporain et urbain, laissaient augurer un univers très riche. Malheureusement, le scénario très limité de Max Landis ne fait qu’en effleurer la surface : comme chez les Wachowski, les péripéties de Ward et Jakoby résoudront en un tour de main une intrigue méritant plus, l’enjeu posé par les Infernis se réduisant finalement à bien peu de choses.
Familier de son travail sur Mr. Right et American Ultra, le scénariste réitère donc une « performance » quelque peu convenue, lourdée par une myriade de détails faussant l’immersion : le prisme racial est notamment des plus simplistes, la seule ambiguïté quant au personnage de Smith ne pouvant compenser à elle seule le manichéisme ambiant à l’œuvre. L’intrigue ne parvient également pas à éviter d’habituels écueils, la succession de grosses ficelles liant le déroulé du récit sapant en partie sa cohérence : de manière générale, tous ces raccourcis servent une exposition voulue la plus large possible, mais le ressenti s’avère pourtant paradoxal tant Bright adopte bien souvent une démarche référentielle.
Le versant mythologique avec la fameuse alliance des neuf races en est un bon exemple, au même titre que ce dragon faisant acte de figuration lors d’un bref plan panoramique : le long-métrage s’échine donc à entretenir l’illusion d’un décor en ayant encore beaucoup sous la pédale, mais l’effet recherché n’est finalement pas atteint. Pour en revenir à son postulat fantastique dans un cadre contemporain (un tant soit peu) réaliste, l’intérêt du spectateur avait de quoi être titillé : la prophétie évoquée instillera d’ailleurs un décalage prêtant à sourire, mais l’on ne pourra que regretter que ces quelques bonnes idées peinent à rayonner au sein de cette tambouille foutraque.
Aussitôt vu, aussitôt oublié donc, Bright s’en tenant à du divertissement « facile » dans son essence : des protagonistes principaux indestructibles, des larbins massacrés à la chaîne, des méchants très méchants... et par-dessus le tout, ce vernis sombre dont la teneur féerique méritait pourtant tellement plus. Dommage.