Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et d'une vague intelligence aussi légère que des volutes de fumée. Reconnaissons aussi sa capacité à montrer (plus qu'à raconter) une histoire d'amour, intense mais jamais vulgaire grâce au symbolisme et au pouvoir de la suggestion, très présents (la scène de la pêche dans le grenier en étant l'apothéose). Mais guère plus.
Montrer donc. Voilà un procédé sur lequel Guadagnino ne lésine pas. Car Call me by your name, c'est d'abord l'éloge du voir et du sentir, de la beauté des corps, grecque et classique (comme le confirment ces références aux statues antiques), de la sensualité des corps qui s'enlacent pour ne former qu'un (l'autre c'est moi etc) avant de se séparer, mais aussi l'éloge du paraître au détriment de l'être. En effet, bien que de nombreuses citations littéraires et autres commentaires pseudo-intello soient arbitrairement glissés parmi les conversations souvent creuses des personnages, l'impression de vacuité prend le dessus et détrompe ces beaux effets verbaux et frivolement éphémères. Guadagnino a beau être docte et diplômé en lettres, il ne crée aucun véritable discours tenant la route et son film manque de fond au point de devenir parfois "indigestement" prétentieux. Le personnage de Armie Hammer, fat et superficiel, y contribuant fortement tant il ne parvient à dépasser le statut de «beau gosse» efféminé au mini-short so 80's se replaçant sans cesse la mèche et feignant non sans condescendance d'ignorer les autres.
Film du paraître donc, de la vacuité, comme le prouve la première partie du film (la première heure grosso modo), interminable, mettant une éternité à définir les personnages et à poser l'intrigue dont on ne devine que trop vite la fin, créant certes une ambiance mais qu'on aurait pu créer en beaucoup moins de temps. Il y a bien derrière toute cette superficialité un message passé, sur la question du désir libéré, de l'homosexualité, de la place de la religion, mais rien de nouveau en somme. La scène du fruit défendu et du couple homosexuel habitant un éden retrouvé appuient originalement cette réflexion, mais on ne va guère plus loin dans la mise en scène, peu soignée malgré une photographie plutôt belle signée Sayombhu Mukdeeprom (Oncle Boonmee, la trilogie Les Mille et une Nuits de Gomes). Un résultat plutôt décevant donc pour cette amourette d'été entre un jeune éphèbe et son maître pédéraste (au sens grec du mot, précisons-le, très différent, culturellement surtout, de celui de nos jours).