Les raisons de ne pas croire en Captain Marvel étaient multiples, c’est une évidence : annoncé au terme d’un Infinity War auteur d’un chamboulement sans précédent, l’entrée en scène tardive de ce super-héros surpuissant frise le cheveu sur la soupe, la perspective de faire du vingt-et-unième film du MCU une simple origin-story nous laissant d’autant plus dubitatifs.
Mais les surprises ne sont-elles pas l’apanage rêvé des victimes de présomptions ? Car oui, Captain Marvel est une bonne surprise : certes, le fait de ne rien en attendre au point de s’y traîner en prévision de Endgame n’y est pas indifférent, mais la réalité d’un visionnage des plus convenables enjoint au mea culpa. Même si l’on pourra encore et encore s’interroger sur la pertinence d’un tel procédé, à plus forte raison qu’il s’agit bel et bien d’un film poursuivant le même intérêt introductif que Iron Man, Thor et consort, cette réalisation du duo Boden/Fleck sera donc parvenu à outrepasser un postulat de départ le tuant dans l’œuf.
Comme toute bonne origin-story à la sauce Marvel, tout n’est pas non plus parfait, il faut en convenir : le film dédramatise à l’envie ses tenants et aboutissants géopolitiques (nappés d’un soupçon de génocide déguisé par les autorités compétentes, tout de même), au point de se priver d’un supplément d’âme proprement luxueux dans un tel cadre. Bien rôdé, le rythme ne se prive également pas de raccourcis très accommodants et autres facilités d’usage, à ceci près que le récit fait parfois montre d’excentricités notables : le sacrifice du scientifique de Talos en tête de file, le pauvre gus paraissant être laissé pour compte sans que cela soit vraiment mis en valeur, ou de manière plus anecdotique l’usage des pouvoirs d’une Carole s’improvisant mécanicienne ou préférant entamer un voyage interstellaire en « extérieur ».
Pour le reste, Captain Marvel n’invente pas grand chose mais demeure envers et contre tout une belle proposition à l’échelle du MCU : son intrigue à tiroirs, suspendue à quelques révélations et rebondissements abonde en ce sens, à l’image d’une narration usant à bon escient de ses flashbacks. Si dans l’exécution cette dernière sera de prime abord brouillonne, on finit bien par adhérer au portrait de Captain Marvel, à la croisée des mondes et dont la quête de son identité véritable mettra au jour un honnête trompe-l’œil. Les motivations des Kree sont au bout du compte l’élément le plus confusant du tout, notamment de par les apparitions de Ronan et Korath, propices à une remise en perspective du récit au sein d’une constellation d’autres longs-métrages.
Mais quand bien même, les motifs de satisfaction sont bel et bien nombreux : l’humour est savamment dosé et presque toujours percutant, Nick Fury endossant le rôle de comic relief mais sans se départager d’un charisme en devenir, et l’on se surprend à un tant soit peu vibrer en filigrane de l’avènement de Captain Marvel, et ce grâce à une Carole Danvers s’affirmant comme une figure d’ores et déjà prépondérante du MCU. Les comparaisons attendues avec Wonder Woman lui profitent d’ailleurs à merveille, l’Amazone se faisant battre à plates coutures sur le plan du pseudo-film-féministe engagé à la sauce super-héros.
Bref, nous tenons là un divertissement des plus efficients, qui plus est doté de quelques bonnes idées de mise en scène : dans l’ensemble conventionnel, mais parfois galvanisant, Captain Marvel aura donc déjoué les pronostics en jonglant avec un brio certain entre un cahier des charges inévitable, une légèreté de ton comique et l’émergence d’une icône à tous points de vue enthousiasmante. Chapeau bas à Brie Larson soit dit en passant.