Je ne suis pas un expert en matière de comédies italiennes, mais la satire du milieu bourgeois qui est faite dans ce "Signore e Signori" est hallucinante, je n'avais jamais rien vu de tel. Une vision de leur relation au cul et de leurs petits arrangements, en trois temps, on ne peut plus corrosive. Ça tire dans tous les sens, sans s'arrêter pendant deux heures. Il faut voir la suffisance avec laquelle cette brochette de personnages (une quinzaine sur trois sketches) se vautre dans toutes les formes de bassesse et de vulgarité imaginables...
Trois sketches d'intensités bien différentes, à la dynamique soignée et efficace. Une entrée en matière très solide (un mec se fait passer pour impuissant auprès de son docteur pour mieux trousser sa femme, "bien fait pour sa gueule" entend-on presque puisque ledit docteur aura rapidement et mesquinement dévoilé le secret de son ami lors d'une petite sauterie), un épisode médian plutôt calme (un homme marié tombe amoureux d'une jeunette mais sa femme et ses amis n'entendent pas le laisser vivre cette nouvelle vie sans se cacher) et un final d'une rage et d'une acidité incroyables (une série de petits commerçants se refilent à la chaîne un bon plan cul avec une très jeune paysanne venue en ville, mais l'affaire s'ébruitera et ils mettront des millions de lires [voire plus...] sur la table pour acheter le silence de la presse et de la justice et condamner les bouseux pour diffamation).
C'est une peinture au vitriol de la société italienne aisée on ne peut plus hypocrite, décadente, peuplée d'hommes et de femmes tous plus cocus et adultères les uns que les autres. L'argent achète tout, la "justice" et la "presse", le silence des uns et le respect des autres, en un mot la tranquillité : tout pour préserver les apparences (bien plus importantes que le moindre soupçon de morale chez ces gens-là). Une caricature aussi puissante que sévère, qui s'attaque autant aux mœurs déplorables de cette faune pleutre et obsédée qu'aux institutions qui ne sont que des parodies ou des faire-valoir. Marrant aussi comme tout ce petit monde n'hésite pas à nuire à ses voisins ou ses amis pour sa petite jouissance personnelle... avant de racheter toutes ses mauvaises actions, au sens propre comme au sens figuré. Allez, tiens, on oublie tout et on recommence. La satire à l'état pur.
(Avis brut #49)