Si aujourd'hui je considère le cinéma comme intemporel et dont certaines de ses plus belles œuvres remontent à l'ère du muet, c'est en partie grâce à Alfred Hitchcock, qui m'aura fait découvrir la richesse du 7ème art lors de mes années lycées. C'est à travers ses films, notamment ceux américains, que je me suis plongé dans l'univers et l'histoire du cinéma, sans jamais y ressortir et, ayant très vite fini son immense et riche filmographie, c'est avec Blackmail que j'y replonge.


Blackmail est un film important pour Hitchcock, immense triomphe à sa sortie, c'est celui qui lança définitivement sa carrière et qui lui permit d'acquérir une vraie notoriété sur le sol britannique. C'est aussi son premier film parlant, d'abord tournée en muet, il a été sonorisé en cours de tournage et Blackmail sorti finalement dans deux versions (tous les cinémas n'étaient pas équipés pour recevoir le parlant en 1929). Il devient par la même occasion le premier film parlant de l'histoire du cinéma britannique et aujourd'hui c'est sous cette forme qu'il est régulièrement distribué.


On est encore loin du Hitchcock célèbre, celui qui tourna à Hollywood du début des années 1940 jusqu'au milieu des années 1960 et qui est resté dans les annales du cinéma. Ici il axe son film autour du dilemme moral entre dénoncer celle que l'on aime et coupable d'un crime involontaire ou la protéger. L'histoire est assez simple mais efficacement écrite, elle va à l'essentiel sans détour inutile et elle est rendue intéressante, avec une finition aussi audacieuse que brillante. Les personnages sont d'ailleurs le point fort du film, tous bien traités, ils dévoilent peu à peu qui ils sont vraiment et Hitchcock oppose l'amour face à la raison au cœur d'une intrigue policière.


Néanmoins, si j'en gardais un très bon souvenir, cette nouvelle vision m'a légèrement déçu. Bien qu'il se montre inspiré et révèle quelques bonnes idées, Hitchcock peine à vraiment instaurer une forte tension ainsi qu'à faire ressortir l'émotion qui pourrait y avoir chez les personnages. Pourtant c'est intéressant à plus d'un titre, notamment par rapport à ce qu'il montre, ou non à l'écran et sa façon de l'utiliser. On ressent que le parlant n'en est qu'à ses débuts et que le film a commencé à être tourné en muet. Hitchcock est parfois maladroit, que ce soit dans les dialogues ou la construction du récit, prenant trop son temps à certains moments et accélérant trop le film à d'autres.


Pourtant, Blackmail reste plaisant à suivre, surtout grâce aux personnages et donc enjeux. Bien qu'il n'en devienne le maitre que plus tard, le suspense est présent et quelques scènes sont vraiment brillantes. On retrouve ici plusieurs effets de styles et de mises en scènes assez audacieux (à l'image des jeux d'ombres et de lumières, toujours influencés par l'expressionnisme) bien qu'il abuse parfois un peu trop des gros plans. On retrouve plusieurs similitudes avec certains de ses futurs films à l'image de la scène du meurtre rappelant celle de Psycho, Hitchcock usant d'un montage ingénieux et la tournant en un long plan-séquence. On retrouve toute sa science du détail où il joue avec des éléments semblant minimes qui auront pourtant toutes leurs importances plus on avance dans le récit. De plus, les interprètes sont très bons, notamment Anny Ondra, l'une des premières blondes maléfiques de la longue filmographie d'Hitchcock (à noter aussi l'excellent caméo du maître).


Blackmail aura permis à Hitchcock de donner une toute autre dimension à sa carrière et livre là le premier film parlant de l'histoire du cinéma britannique. On retrouve plusieurs éléments qui feront la notoriété du maître et, si c'est parfois maladroit, ça n'en reste pas moins plaisant à suivre, bien ficelé et ne manquant pas de charme.

Docteur_Jivago
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le 29 juin 2016

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