Le passage du cinéma muet au parlant s’est accéléré dès que le procédé, appelé Movietone, a été mis au point. Il permettait pour la première fois l'enregistrement du son et de l'image sur le même support. C’est allé tellement vite, que certains films comme Blackmail ont commencé le tournage sous l’ère du muet et l’ont terminé sous l’ère du parlant. Ce film a donc été tourné comme un film muet, mais au moment du montage le matériel pour réaliser un film sonore est arrivé. Hitchcock décida alors de refaire quelques scènes et une version parlante put être réalisée. L’actrice Anny Ondra qui interprétait Alice, avait un fort accent slave. Elle mima donc le dialogue tandis qu’une autre actrice prononçait les paroles. Il existe ainsi deux versions de ce film : l’une muette et l’autre parlante.
Blackmail est de cette façon à la fois le dernier film muet d’Hitchcock et son premier film parlant. On trouve déjà sa patte caractéristique à travers la recherche soignée des plans, le travail sur les jeux d’ombre, les plans de l’escalier, les gros plans sur les visages, la focalisation sur un objet : ici le gant. La scène poursuite dans le British Museum est particulièrement réussie. Le rythme manque de fluidité, mais très certainement parce qu’un film parlant ne se réalise pas comme un muet et celui-ci est bancal, étant les deux à la fois !
L’histoire se suit avec intérêt : une jeune femme tue l’homme qui tente de la violer et c’est son fiancé qui est chargé de l’enquête. Le tourment d’Alice est très bien rendu. Tout autour d’elle lui rappelle ce qu’elle a fait. Elle est obsédée et tétanisée. N’arrivant plus à parler et à se comporter naturellement. Un maître-chanteur vient complexifier la situation ou plutôt la sauver bien malgré lui car le fiancé d’Alice va sauter sur l’aubaine de cet homme dont la situation au regard de la police est loin d’être clean ! Il espère ainisi tirer Alice d’affaire ! Pas question de s’embarrasser d’état d’âme !
Ce film tragique se termine finalement dans un long éclat de rire. Rire sonore et appuyé qui marque l’entrée du cinéma dans l’ère du parlant et rire également visuel à travers le tableau du portrait de l’homme qui rit, dernière image de ce film, adieu au cinéma muet. Un dénouement malheureusement un peu trop facile et peu convainquant face au tourment d’Alice.
Le film connut un tel succès qu’Hitchcock put créer sa société, la Hitchcock Baker Ltd acquérant ainsi sa liberté et son indépendance.