"Blackmail" est intéressant à plusieurs égards.
Tout d'abord pour sa conception. Hitchcock était en train de le tourner comme n'importe quel autre film muet quand la technique du son s'est développée. Il a alors décidé de refilmer certaines scènes avec du dialogue. Cela donne un résultat étrange puisque la vitesse de la caméra s'en trouve changée d'un plan à l'autre. De plus, on sent bien que filmer des dialogues c'est encore nouveau pour l'époque et que l'auteur ne sait pas toujours comment s'y prendre. Si certaines répliques sonnent justes, d'autres semblent inutilement redondantes.
Hitchcock est un cinéaste de la modernité. Preuve en est de ce retournage. Mais c'est aussi par son découpage et ses angles de vue que Hitchcock se montre en avance sur son temps. En studio ou pas, le bougre s'efforce d'offrir des images spectaculaires, dont certaines qui reviendront dans ses films plus tard (comment ne pas penser à "Psychose" en voyant le couteau ?). Tant d'audace ne suffit malheureusement pas. Le montage est souvent maladroit ; c'est surtout le rythme qui fait défaut à Alfred : souvent, il échoue à donner la bonne longueur à ses plans : trop longs ou trop courts, cela participe à l'effet brouillon qu'offre le film.
Le scénario est plutôt intéressant, avec une fin assez cynique. Fin malheureusement pas assez appuyée, qui manque un peu d'essor. Quelques scènes fort sympathiques durant le film, mais des séquences trop longues et des dialogues, sans doute réécrits à la dernière minute pour coller à la nouvelle technique, qui ne fonctionnent pas toujours parfaitement. Heureusement les quelques bonnes scènes sont vraiment fortes. Et puis les personnages, tous à caractère simple, sont bien construits.
Bref, un film intéressant sur bien des points, mais tout de même trop maladroit globalement.