S’étant illustré sur des réussites techniques telles que District 9 et Elysium, Neill Blomkamp n’a plus ses preuves à faire, d’un point de vue formel. En effet, quasiment irréprochable sur la forme, Chappie est un film qu’on regarde avec un intérêt constant, grâce au talent hors-norme du réalisateur pour la mise en scène, le suspense (haletant) et les effets spéciaux, et grâce à un casting parfait. On pourra juste regretter la prédominance de chansons du groupe de rap sud-africain Die Antwoord (dont deux membres apparaissent dans le film), parfois bien placées, mais qui finissent par fatiguer un peu…
Là où le film est peut-être plus discutable, c’est sur le fond, mais, à l’inverse d’Elysium, qui reprenait de manière un peu trop caricaturale le cliché des méchants riches égoïstes et du gentil pauvre qui va sauver le monde, ici, la réflexion touche plus profondément le spectateur. En effet, le développement d’une conscience chez un personnage qui a deux handicaps : être un robot, et être (comme) un enfant, permet à Neill Blomkamp de nous offrir une vision extérieure de l’homme, ce qu’il réussit de manière brillante, par une immersion complète du spectateur dans la « peau » de Chappie. Malheureusement, cette vision reste un peu trop teintée par une noirceur qui ne cherche à voir en l’homme que sa cruauté : corruption, meurtre, mensonge… Si la repentance de certains antagonistes pourraient contrebalancer cette vision noire, la fin (que je ne vous spoilerai pas) aurait plutôt tendance à confirmer que ces défauts sont constitutifs de la nature humaine, et que seul un robot pourrait échapper à ces turpitudes, ce qui, on en conviendra, est tout de même un peu simpliste. Dans tous les cas, la réflexion de Blomkamp a au moins le mérite de soulever des questions très intéressantes, et d’alimenter de nombreux débats après le film.
Mais ce qu’on retiendra particulièrement de ce film, c’est la performance de Sharlto Copley, qui joue Chappie en capture de mouvements, personnage de loin le plus attachant du film. Son « humanité » paradoxale est l’occasion de scènes absolument prodigieuses, moments de grâce comme la première rencontre de Chappie et des humains, ou scènes dures et poignantes à l’extrême, comme celle où Chappie fait l’objet pour la première fois de la cruauté humaine, se faisant jeter des pierres par des voyous, et encaissant tous les coups sans savoir comment réagir… De ces images se dégage une puissance émotionnelle impressionnante, malheureusement trop rare dans le cinéma de science-fiction contemporain.