A la sortie du film, on se surprend à essuyer quelques larmes et à faire un pas en arrière pour contempler l'oeuvre de Neill Blomkamp afin de constater à quel point sa trilogie District 9 / Elysium / Chappie est cohérente. Mais là, à mon sens, ce dernier est le film majeur de l'ami Neill, une oeuvre foisonnante et débordante de coeur, sans jamais verser dans la niaiserie.
Le principal tour de force du réalisateur sud africain est que l'on s'attache à ce qui n'est, au final, qu'un bout de ferraille. Dans un arrière plan de Johannesburg gangréné par la violence et les gangs qui n'est pas sans rappeler le Détroit de Robocop, la gentillesse, l'innocence et la naïveté de Chappie détonnent, à tel point que le passage à tabac dont il est la victime révolte et révulse. Eduqué par une famille de malfrats-gangsta dysfonctionnelle et par son créateur, ce nouveau Pinocchio apprendra auprès de ces parents inattendus les vertus du coeur qu'il mettra en pratique alors qu'il sera jeté bien malgré lui au centre d'une guerre des gangs, d'une crise d'identité et d'intérêts militaro industriels qui le dépassent. La prise de conscience du personnage principal de son essence, de son existence et de sa mortalité émeut et pose les questions classiques liées à l'avènement de l'intelligence artificielle. Elle permet aussi à la dernière partie du film de prendre des directions scénaristiques intéressantes et inattendues, entre l'aspect furieux de l'action et les sentiments enfantins de Chappie qui le submergent.
L'oeuvre est irriguée de tous les thèmes chers à Neill Blomkamp : le fond social via les décors urbains des bas fonds de Johannesburg, la science fiction crasseuse peuplée de méchas d'une classe absolue, ainsi que la mutation (ou la dégradation) du corps humain, ce que Cronenberg n'aurait pas renié. Il parle aussi beaucoup de coeur et de sentiments ici par le biais de la famille qui se construit autour de Chappie, permettant des paraboles terriblement humaines sur la difficulté d'être parent et de voir son enfant grandir et traverser la crise d'adolescence.
Avoir immédiatement envie de revoir un film à peine les premières notes du générique jouées est la marque des grands réalisateurs. Neill Blomkamp en fait indéniablement partie. Car Chappie secoue et émeut. Chappie est spectaculaire et surprend dans la manière dont il se termine. Chappie est une oeuvre généreuse et qui a du coeur. Tout comme son réalisateur.