Neill Blomkamp est un réalisateur très intéressant. Alors que la science-fiction grand-spectacle au cinéma semble plus formatée que jamais, il est l’un des rares à s’essayer à la construction d’un véritable univers, et ce de film en film. Si District 9 était une franche réussite, Elysium avait malheureusement déçu par bien des aspects – notamment en faisant l’erreur de reprendre le thème de la lutte des classes comme pivot de sa narration. C’était donc avec pas mal d’inquiétudes qu’on attendait ce Chappie, qui allait avoir la lourde tâche de confirmer ou d’infirmer le talent du futur chef d’orchestre de la saga Alien.
Chappie est une surprise aussi imparfaite qu’inattendue. Blomkamp nous plonge à nouveau dans ce cadre si particulier des bas-fonds sud-africains, qui servent de toile de fond à chacune de ses nouvelles réalisations – crimes, violences, drogues. Pourtant, malgré les apparences, Chappie n’a pas les mêmes thématiques sociales que ses deux prédécesseurs. Adieu le clivage riches – pauvres, c’est ailleurs que nous embarque Blomkamp. Réflexion sur notre rapport à la technologie et au virtuel, à l’artificialité de la conscience, à l’être humain, et même à la famille – non, il n’est jamais question de Prométhée moderne, mais davantage de la relation entre l’homme et sa création, avec comme des relents de la pensée asimovienne.
C’est dans ce mélange habile de divertissement, de drame familial et de réflexions technologiques et eugénistes que Chappie rappelle District 9. Distrayant et intelligent, violent et émouvant, ironique et sérieux : Blomkamp semble plus à sa place que jamais. Chappie est un film conscient de son statut, on pourrait parfois lui reprocher d’être de mauvais goût, mais c’est cette alliance de poésie sauvage et d’anticipation réaliste qui distille peu à peu une atmosphère très particulière au long-métrage, au travers notamment de son personnage principal passionnant et bouleversant, semblable à un vilain petit canard au milieu de cette jungle sans pitié.
Chappie est criblé de beaucoup de défauts, ce n’est pas la peine de prétendre le contraire : on pense notamment à ce final un peu trop optimiste pour sonner juste – même s’il offre une ouverture très réussie, grâce à ce dernier plan fantastique – mais aussi à des questions très importantes que Blomkamp ne fait que traiter en surface. On aurait effectivement apprécié une conclusion plus en adéquation avec la relative noirceur de l’ensemble, mais ces ombres au tableau ne viennent pas chahuter le charme indéniable du film.
Chappie possède un sens du rythme impressionnant. Efficace et malin, le dernier né de Blomkamp surprend autant qu’il impressionne. Un zeste de tendresse artistique et émotionnelle qui se heurte à la rudesse du monde, barbare et sans pitié, trouvant son apogée dans certaines séquences exceptionnelles – le combat final, entre autres. Rien ne somme faux – jusqu’à la toute fin –, pas même la présence du groupe Die Antwoord au casting. Blomkamp semble avoir appris de ses erreurs, proposant un blockbuster de science-fiction singulier et futé, à bien des égards critiquable mais fatalement appréciable. C’est triste de devoir le préciser, mais ça ne court pourtant pas les rues.