Un portrait au vitriol de la place d'un écrivain (ou plus généralement d'un artiste) dans notre société. Même si les réalisateurs ne sont pas ceux qui ont fait "Les nouveaux sauvages", on y retrouve le même humour dévastateur et la même bande d'acteurs. Autant dire que ça dépote, côté Argentine.
Le film est centré sur le personnage de l'écrivain Daniel Mantovani, prix Nobel de littérature, qui retourne dans son bled natal, qu'il a quitté à 20 ans en laissant une amoureuse éplorée. Il est devenu une célébrité, habite une superbe maison à Barcelone et voyage dans le monde entier pour donner des conférences ou soutenir de nobles causes. Il est adulé par beaucoup, sans doute méprisé par d'autres.
Et le voilà qui se retrouve à Salas, donc, son village natal, dans une microsociété qui est bien entendu en décalage complet avec les sphères dans lesquelles il évolue depuis plus de 30 ans. Une grande partie du ressort comique repose justement sur ce décalage. Ceci étant, et c'est en cela que le film est vraiment très fin, on va vite s'apercevoir que - au delà d'une forme qui est bien entendu totalement différente, et qui disons le nous fait rire - cette microsociété n'est pas sur le fond fondamentalement différente de celle qu'il est habitué à fréquenter.
L'artiste s'y livre finalement aux mêmes occupations, y confronté aux mêmes situations que dans son milieu : émission à la télévision avec publicité, gala en son honneur avec vidéo biographique, conférences, participation au jury d'un concours d'art (dont le résultat est évidemment influencé par le pouvoir politique), appels insistants à des actes charitables de sa part, invitations qu'il veut refuser, soirées avec des beaufs, coucheries avec une groupie, etc...
Bon les gens à qui il affaire à Salas ne réagissent pas exactement comme les peoples qu'il côtoie. Disons qu'ils ont les mêmes ressorts et les mêmes motivations, mais ils sont un peu plus bruts de décoffrage. Et du coup, l'aspect caricatural du film y prend toute sa force : "Citoyen d'honneur" est plein de scènes très drôles, pour qui aime ce type d'humour un peu ravageur, mais c'est également un essai caustique sur la place des intellectuels et des artistes célèbres dans notre monde, et sur ce que ce dernier attend d'eux. Comme en témoigne la première scène du film (discours de l'écrivain auprès de l'académie Nobel)...et aussi d'une certaine façon la dernière.