"What do you mean by birds? They're my eagles in drag!"

L'exploration du territoire américain et de la culture des États-Unis par Werner Herzog a quelque chose de passionnant, et presque envoûtant pour un fanatique de mon espèce, quand bien même je ne connaîtrais qu'un tout petit bout de cette partie-là de sa filmographie — tout ce qui se situe après le gros morceau 1968 - 2003, de Signes de vie à Bruno S. - Estrangement is death, disons, ne m'est pas encore très familier. À quand le volume 4 du coffret Potemkine, d'ailleurs ? Ils doivent vraiment attendre qu'un malheur arrive pour décider s'il faudra en éditer encore un ou deux pour couvrir l'intégralité de son œuvre... Mais je m'égare.


Dans mon imaginaire herzogien, Dans l'oeil d'un tueur se rapproche étonnamment de Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans dans son esthétique, dans son surréalisme discret, et dans l'interprétation hallucinée de son protagoniste. Il suffit presque de remplacer la vision étrange d'un crocodile par celle de deux flamands roses et la Louisiane par la région de Californie près de San Diego... Mais Nicolas Cage est irremplaçable, bien entendu. En tout état de cause, la présence de Michael Shannon donnerait envie de le rapprocher de Salt and Fire, à tort car les tonalités des deux films n'ont vraiment pas grand-chose en commun. Une photographie irréelle de ces lieux, voire uniquement de cette portion de rue où s'est joué un drame inspiré d'un fait divers des années 70, avec ces ombres contrastées et ces lumières de plein jour atténuées, suffit à créer un environnement très bizarre : cette fois-ci, la frontière opaque entre réalité et fiction se situe à l'intérieur même du récit, dans le fait divers qui sert de base, puisque la pièce Oreste sera retranscrite au sein du foyer du tueur.


Et pour illustrer la folie mystique ésotérique d'un homme qui tua sa mère à coup de sabre, dans une répétition impromptue d'une tragédie grecque, qui mieux que Michael Shannon et son regard de psychopathe qu'il délivre sans forcer... Sans parler de la boîte de céréales avec une tête de quaker qu'il décrit comme la manifestation de dieu. Le flashback qui le transporte au Pérou (tiens donc), dans les moments qui ont précédé son pétage de plombs et sa révélation spirituelle, est immédiatement intelligible. Et toujours cet humour omniprésent, presque invisible si on n'y prête pas attention, disséminé dans tous les dialogues de cette histoire pourtant sordide. Une histoire pareille à la lisière du surnaturel sied finalement plutôt bien à une production signée David Lynch, inspirée de l'histoire réelle du parricide commis par Mark Yavorsky. Avec sa pléthore de têtes connues (Willem Dafoe, Chloë Sevigny, Udo Kier, Michael Peña, Brad Dourif, et même Dave Bautista), Herzog semble prendre un malin plaisir à verser dans la subversion et le détournement de codes du cinéma américain.


http://je-mattarde.com/index.php?post/Dans-l-oeil-d-un-tueur-de-Werner-Herzog-2009

Créée

le 1 déc. 2020

Critique lue 106 fois

2 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 106 fois

2

D'autres avis sur Dans l'œil d'un tueur

Dans l'œil d'un tueur
zardoz6704
8

I don't like your attitude, Brad.

Pour moi ce Werner Herzog forme un diptyque avec le "Bad Lieutenant" nouvelle manière. Un mélange étonnant, improbable, dont seul Herzog a le secret. Dans ces deux films, Herzog reprend des...

le 4 janv. 2014

8 j'aime

Dans l'œil d'un tueur
LeTumulte
7

Critique de Dans l'œil d'un tueur par LeTumulte

Sur le papier, tout pour plaire : David Lynch, Werner Herzog, Willem Dafoe, Chloë Sevigny, Grace Zabriskie, Michael Shannon. Je suis client, film de festival, je prends, je dis oui, très bien. Or, ça...

le 5 juin 2013

8 j'aime

Dans l'œil d'un tueur
Multipla_Zürn
9

Critique de Dans l'œil d'un tueur par Multipla_Zürn

C’est une histoire simple : un jeune homme, Brad, a tué sa mère avec laquelle il vivait depuis trop longtemps. Alors qu’il est enfermé chez lui avec deux otages, dans un pavillon couleur flamant rose...

le 28 déc. 2022

4 j'aime

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11