Fuyant comme la peste les trailers d’Infinity War, il m’est apparu que sa sortie imminente requérait mon attention ailleurs : à l’image du plus récent Thor : Ragnarok (le prochain sur ma liste), le visionnage de Doctor Strange manquait toujours à l’appel me concernant. Mieux vaut tard que jamais en somme, et là était l’occasion de tirer un parallèle entre ce dernier et Black Panther, deux super-héros empreints d’une connotation plutôt secondaire (car en marge des Avengers) : au bout du compte, sans pour autant accoucher d’une origin story irréprochable, le long-métrage de Scott Derrickson sera parvenu à faire mieux que celui de Ryan Coogler.


Pourquoi ? Difficile à dire en l’état, Doctor Strange étant à juste titre non exempt de tout reproche : toile de fond spirituelle et magique exagérée à l’échelle du MCU, intrigue cumulant de criantes incohérences, pan formel aucunement parcimonieux… mais nous y reviendrons. S’il fallait à contrario identifier un point où le film s’en tire avec les honneurs, il s’agirait certainement de son personnage éponyme : brillant esprit, terre-à-terre inflexible, hautain comme buté, Stephen Strange est à n’en pas douter une figure liant un charisme à une ambivalence savamment détestable.


Sans virer à la redite, il en résulte ainsi un portrait rappelant la suffisance d’un certain Tony Stark, mais le sorcier en devenir outrepasse aisément une telle étiquette : l’interprétation d’un Benedicte Cumberbatch très à l’aise n’y est pas indifférente (encore que l’on puisse regretter une appropriation du rôle pas assez marquée), tandis que le background faste mais tortueux de l’ex-neurochirurgien s’attache de fil en aiguille notre sympathie. Entre prestance et humour grinçant, le récit de ses pérégrinations surnaturelles nous dépeint donc une personnalité à nulle autre pareille, gage d’une place unique comme méritée au sein du microcosme embouteillé du MCU (chose que Black Panther n’accomplit pas aussi bien).


Une première réussite en soi, à l’aune d’un divertissement rondement mené de bout en bout, et doté qui plus est d’une substance relativement nouvelle : par le biais de moyens et menaces occultes, Doctor Strange apporte du neuf à un univers cinématographique majoritairement dominé par ses gros bras, la résolution des bastonnades revenant en temps normal aux Avengers (et consorts). Néanmoins, premier écueil de fond, cette signature fantasmagorique s’avère quelque peu « encombrante » : participant à l’expansion toujours plus tentaculaire du MCU, la question se pose quant à la pertinence d’un tel apport en termes de cohérence globale (interconnexions des protagonistes, intrigues, esthétismes etc.), surtout au regard des possibilités overcheated qu’offrent les pouvoirs du Doc’.


Dans un même ordre d’idée, il faut reconnaître que l’équipe technique de Derrickson aura eu la main lourde sur le visuel du long-métrage : certes impressionnant comme novateur, ses grands airs de « Inception se contentait du strict minimum » aboutissent à un sentiment de trop-plein des plus patents, ajoutant de la sorte à l’idée selon laquelle Doctor Strange va desservir cette fameuse logique d’ensemble. Plus factuellement, ce dernier s’adjuge donc une identité graphique vertigineuse, nombre de séquences plaidant en ce sens, mais leur profondeur respective et abondance alimentent à n’en plus finir le manque de doigté dont fait preuve le film.


Sans revenir sur une BO correcte mais impersonnelle, il conviendrait davantage d’évoquer à présent les errements d’un récit peu avare en la matière : il apparaît d’abord que la stature super-héroïque affecte la crédibilité des rapports de force (des sorciers supposément « confirmés » trépassent sans coup férir… le rookie - le talent ne fait pas tout - Stephen s’en tire), tandis que le dernier acte du long-métrage fait montre de sacrées ficelles (au point de se dérouler d’un seul tenant). En filigrane du tout, les actions éparses de l’Ancien nous confortent dans le constat d’une intrigue quelque peu paresseuse, à l’image de Black Panther donc… il subsiste cependant une certaine alchimie, qui corrélée à un iconique Doctor Strange rend la pilule plus aisée à avaler.


Un énième Marvel soufflant le chaud et le froid en résumé, mais constituant envers et contre tout un divertissement hautement plaisant ; quant à savoir s’il s’agirait d’une pierre bienvenue à l’édifice du MCU, au risque d’être encore et toujours plus bancal, Infinite War devrait prochainement nous apporter quelques éléments de réponses en ce sens.


PS : par contre, je suis toujours aussi sidéré par la seconde scène post-générique, coupable d’avoir sabordé le personnage de Mordo, incompréhension et inutilité y atteignant alors des sommets.

NiERONiMO
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le 23 mars 2018

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