Donnie Darko. Ce titre était apparu sur mon écran au milieu des nombreuses pages de Sens critique, et pour une raison que j'ignore toujours il m'a tout de suite intrigué. Je l'ai cherché en streaming pendant plusieurs mois en vain, et alors que je commençais à perdre espoir je découvris une miraculeuse et exceptionnelle re-projection du film (dans sa director's cut) dans un cinéma près de chez moi.
Tout content, j'entrai dans la salle, sans me douter une seule seconde que j'en ressortirais bouleversé, émerveillé, et surtout changé.
Donnie Darko est un rêve lucide, un rêve éveillé qui vient bousculer et angoisser les spectateurs et sans avoir peur de le faire. C'est un film qui ose, comme un rêve : il met ses idées en scène de manière spectaculaire s'il le faut (je pense notamment à la scène de comédie musicale et le "he made me do it"), et hurle ses points de vue sans s'excuser.
Non, Donnie Darko est loin d'être fou à côté de la plupart des adultes, malgré le fait qu'il soit schizophrène. Oui, ces adultes passent à côté des choses et ne peuvent comprendre Donnie, que ce soit dans son étrangeté que dans son intelligence (comme par exemple lors de ses discours contre la thérapie du bonheur).
Non, Donnie ne doit pas s'excuser d'être qui il est malgré son décalage par rapport à tout le reste. Ce n'est qu'un gamin malade qui cherche à vivre sa vie, et le pire c'est qu'il n'y arrivera même pas : alors qu'il était à l'apothéose de sa vie, il se rendra soudainement compte qu'il faut qu'il se réveille
et meurt.
Qu'est-ce que je veux dire par "se réveille" ? Et bien, je ne suis moi-même pas sûr, car ce film fait preuve d'une subtilité et d'une finesse hors du commun : rien n'est dit, tout est à trouver - ou du moins à supposer, car avec ce genre de films il est dur de se créer des certitudes. Qui est réellement Frank ? Et la voisine folle qui vérifie toujours son courrier, que veut-elle réellement ? Au fond, Donnie est-il quelqu'un de bien ou non ?
Au final on ne retient aucun "gentil" ni "méchant" (à part éventuellement le gourou de la secte) et on ne sait même pas si quelque chose s'est réellement passé lors du film, la théorie du rêve étant très probable. C'est l'un des seuls films dont on sort sans réellement savoir ce qu'il s'est passé, il nous laisse dans un flou désagréable pour tout le monde, mais fascinant pour certains (dont moi) qui vont inlassablement chercher à comprendre cette expérience unique.
De toute manière, je n'avais pas le choix ; ce film, d'une manière dont je ne saurais l'expliquer, est relié à moi : il est sorti pour la toute première fois pile un jour avant ma naissance, explore des thèmes et personnages qui m'obsèdent (la schizophrénie, le lapin tueur, la conformité, les gourous, les scènes de danse, les enfants au milieu du monde adulte etc)... et ne peut donc que me fasciner.
En fait, c'est un film que j'aurais pu réaliser. Jamais je n'avais eu cette impression en regardant un film, pourtant c'est le souvenir principal que j'en ai : ce film me parle d'une manière qu'aucun film n'avait jamais faite. Il me parle comme si je me parlais à moi-même, comme les enfants laissant des messages à leur "eux du futur" dans des boîtes temporelles pour les lire arrivés à l'âge adulte.
Peut-être que dans un univers parallèle j'ai réalisé ce film, qui sait... Et peut-être que vous aussi. Après tout, on peut tout supposer.