Cette semaine cinématographique s'annonçait passionnante avec des films venant de différents horizons. L'ouverture du bal avec Baby Driver fût décevante, alors que Dunkerque se révèle être un naufrage. Enfin, La Région Sauvage ne me convainc pas entièrement et c'est donc sans grande conviction que je me rends à la séance d'un Été 93.
La réalisatrice Carla Simon Pipo va nous raconter un moment particulier de son enfance. Sa vie va basculer lors de l'été 93. C'est une jeune fille de 6 ans qui vient de perdre sa mère. Elle était déjà orpheline de père et va se retrouver dans la famille du frère de sa défunte mère. Elle quitte Barcelone, ses grands-parents et tantes pour la campagne de la Catalogne. Un changement de vie qui ne va pas se faire sans difficultés.
La caméra se met à la hauteur des yeux de Frida (Laia Artigas) pour nous permettre de voir son univers. Dans divers pièces, des adultes s'affairent autour d'elle. Les mots se font rares, on ne sait pas vraiment ce qui se passe. Puis toute la famille se retrouve au bas du bâtiment et font des gestes d'au revoir à un véhicule entrain de s'éloigner d'eux. On les voit faire en compagnie de Frida, à travers la vitre arrière. Elle se réveille sous le soleil et ciel bleu de la campagne en compagnie d'Anna (Paula Robles). C'est l'été, les grillons se font entendre dans ce lieu de vie agréable. Anna est une enfant de 3 ans. Elle est contente de partager sa chambre avec sa nouvelle grande sœur. Mais Frida se révèle égoïste, on le voit quand la charcutière lui offre une tranche de jambon. Elle ne va pas la partager, alors qu'Anna la dévore des yeux. Cela va se confirmer avec l'interdiction de toucher à ses poupées. L'équilibre au sein de la famille adoptive est mise à mal face à cette enfant se montrant capricieuse, menteuse et insolente.
L'été est la période la plus agréable de l'année, surtout pour les enfants. L'école est fermée, ils peuvent profiter du soleil et de sa chaleur durant deux mois. Mais Frida n'est pas une enfant comme les autres. Elle doit passer des tas d'examens et les parents éloignent leurs enfants dès que le sang se met à couler. Même si elle ne dit rien, elle n'est pas insensible à ce rejet et aux regards des autres. Elle a besoin d'amour et ne sait pas comment en recevoir. Ses pensées sont morbides. Elle tente de communiquer avec sa défunte mère à travers ses prières. Elle veut prendre la place d'Anna et être le centre de toutes les attentions. Mais surtout, elle ne sait pas exprimer sa douleur. Elle ne la comprend pas. Elle la ressent, mais ne sait pas mettre des mots sur les sentiments qui la font souffrir. Cette émotion contenue va finir par exploser et rendre nos yeux humides.
Le film flirte constamment avec le mélodrame, mais réussit à éviter le pathos et la surenchère lacrymale. La cruauté de la vie devrait épargner les enfants et les laisser vivre leur enfance en toute insouciance. Mais la vie n'est pas un conte de fée et la réalisatrice Carla Simon Pipo l'a apprise à ses dépends. Elle met en scène une période douloureuse de sa vie. On a parfois l'impression d'être dans un documentaire avec sa manière de coller la caméra aux visages de ses personnages, en les laissant évoluer selon leurs envies. Elle saisit des moments de vie, en laissant le temps faire son oeuvre. Cela créer une certaine distance au début, surtout que Frida ne se montre pas sous son meilleur jour. Il faut de la patience pour mieux comprendre son état d'esprit. Sa famille d'accueil va en avoir, ce qui est une chance pour cette enfant se sentant seule au monde.
C'est un film simple, dont on en ressort bouleversé par son insoupçonnable puissance émotionnelle. On est comme Frida, avec le sentiment que les événements glissent sur notre peau, alors la douleur s'insinue doucement dans notre chair et on finit comme elle, car on a vibré avec elle durant toute la séance.