Quel objet étrange... On croit au début à une sorte de trip à la limite du psychédélique qu'il faudrait observer sous acides, et peu à peu, il jaillit de ces répétitions (schémas visuels et thématiques) un sens assez inattendu. Un sens multiple et probablement très personnel, relatif à la sensibilité de chacun et à l'adhésion aux délires de Herzog.
Introduction étrange. Les avions qui atterrissent, à répétition, dans le même cadre et presque les mêmes couleurs, trouvent un étrange écho, à la toute fin, dans une image que l'on décrypte enfin : une voiture roulant "sur" un mirage d'eau qui semble, elle, décoller. Le ton est donné : répétition, contemplation, suggestion.
Il y a des visions vraiment très singulières de la Terre en général, et de l'Afrique en particulier, ces étendues désertiques pleines de mirages avec lesquels la caméra semble jouer. Des cadavres d'animaux morts, des plaines colorées, des gens aux occupations étranges à base de fennecs et de varans : on nage entre rêve et hallucination. De longs travellings à bord d'une voiture, captant le paysage au passage, ou de lentes rotations scrutant les alentours d'une vieille carlingue abandonnée. Des images saisissantes de dunes balayées par le vent, presque sensuelles, et des images aériennes (avant que ce soit une mode) de paysages inédits, assorties de commentaires qui le sont tout autant : inventions des auteurs ou incantations mayas. Des plans parfois très longs, des mouvement parfois très lents, qui obligent à se poser certaines questions, à interroger systématiquement tout ce que l'on voit, dans les moindres détails. C'est un concept que Herzog nous impose, pour terminer sur des délires plutôt obscurs (voire franchement tristes, avec ces deux "musiciens" dont on ne sait ce qu'ils font là, à brailler des choses incompréhensibles sur fond de musique quelconque... une séquence gênante).
On ne sait vraiment plus trop sur quel pied danser à la fin, mais on n'est pas déçu d'un tel voyage, bigarré et hypnotique, exigeant mais envoûtant.
[Avis brut #65]