Fata Morgana
6.9
Fata Morgana

Documentaire de Werner Herzog (1971)

Poème filmique aux allures de genèse biblique Fata Morgana constitue l'une des plus belles propositions de cinéma du grand et fascinant Werner Herzog. Documentaire présenté sous la forme du conte métaphysique ce Mirages figure parmi les plus beaux morceaux de bravoure de la contemplation cinématographique, bouleversant complètement notre condition de spectateur et de cinéphile. Une oeuvre lente, dilatée, superbe et tout à fait grisante en définitive.


Fata Morgana s'ouvre, à la manière d'un disque rayé, sur une répétition de plans d'avions sur le point d'atterrir : retour vers une certaine idée des origines, sur un continent aride, pratiquement calciné ; ces plans inauguraux semblent comme déformés, fulminant de l'intérieur pour une invitation à l'hypnose, vers une première partie tout simplement belle à pleurer. Les trente premières minutes de Fata Morgana sont un chef d'oeuvre à elles-seules, peu verbeuses et visuellement intenses : il s'agit bien de Création, au détour de plaines désertiques et de mers invisibles, d'humanité ni tout à fait présente, ni tout à fait absente, d'animaux et de vestiges osseux. Un premier chapitre cyclique et totalement mirifique, élevant littéralement l'esprit et les sens...


La seconde partie du récit herzogien, intitulée Le Paradis, s'inscrit dans la continuité de la première, plaçant davantage l'Homme au coeur de cette savoureuse méditation. La musique se fait moins lyrique, plus folklorique et prosaïque ; la voix-off, quant à elle, se fait moins discrète et plus soutenue, et les narrateurs changent d'âge et de sexe... On discerne encore et toujours les fantômes de la Création au profit d'un optimisme souvent très attrayant, Herzog mêlant l'ombre à la lumière dans une photographie radieuse. Un aspect fortement philanthropique se dégage de cette partie centrale, résolument somptueuse et homogène.


C'est alors qu'un troisième et dernier chapitre, au titre évocateur d'Age d'Or, vient clôturer cette promenade sidérante proposée par le cinéaste : litanies musicales, bribes d'images zoologiques, visions irréelles de voitures flottantes sur les mers désertiques... L'Age d'Or potentiel du Septième Art, celui d'un cinéma européen en pleine apogée de son talent et de sa liberté. Un Werner Herzog dépassé par son propre sujet, amenant Fata Morgana et son spectateur vers un étonnement inespéré. Un véritable objet d'extase !

stebbins
10
Écrit par

Créée

le 27 juil. 2020

Critique lue 130 fois

2 j'aime

stebbins

Écrit par

Critique lue 130 fois

2

D'autres avis sur Fata Morgana

Fata Morgana
Vernon79
7

La fatalité, tu lui mets des guirlandes, et ça passe

"Débuté en 1968, le tournage s’étale sur trois années. L’équipe, constituée de quatre personnes, se rend Kenya, en Ouganda puis en Tanzanie (ancien Zanzibar) où Herzog souhaite filmer Jon Okello,...

le 25 mars 2020

5 j'aime

7

Fata Morgana
Jérôme_Oren
6

Fata Morgana : à la croisée du documentaire, du mythique et de l’absurde

Tourné principalement dans le désert du Sahara, avec une narration souvent sans rapport avec l’image et une bande son des plus éclectiques, Fata Morgana est censé évoquer le phénomène optique du même...

le 7 mars 2021

2 j'aime

Fata Morgana
stebbins
10

La vie est un mirage

Poème filmique aux allures de genèse biblique Fata Morgana constitue l'une des plus belles propositions de cinéma du grand et fascinant Werner Herzog. Documentaire présenté sous la forme du conte...

le 27 juil. 2020

2 j'aime

Du même critique

La Prisonnière du désert
stebbins
4

Retour au foyer

Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...

le 21 août 2016

44 j'aime

9

Hold-Up
stebbins
1

Sicko-logique(s) : pansez unique !

Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...

le 14 nov. 2020

38 j'aime

55

Mascarade
stebbins
8

La baise des gens

Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...

le 4 nov. 2022

34 j'aime

6