Hercule
6.6
Hercule

Long-métrage d'animation de Ron Clements et John Musker (1997)

L’Olympe est en fête : un petit Hercule est né de l’union entre Zeus et Héra ! Seulement, au milieu de la fête, un dieu n’est pas content. En effet, Hadès, dieu des enfers et frère de Zeus, jaloux de ce dernier, a pour plan de le remplacer à la tête du Mont Olympe et de régner sur le monde. Mais un obstacle l’en empêche : Hercule, dont on lui a prédit qu’il serait le seul élément perturbateur de ce plan. Hadès envoie dès lors ses démons Peine et Panique le tuer. Or, ces derniers arrivent à faire perdre à l’enfant sa divinité, mais la force colossale du bambin les empêche de l’éradiquer. L’abandonnant sur la Terre comme un simple humain, Peine et Panique considèrent leur mission effectuée. Seulement, à la veille de mettre son plan à exécution, une vingtaine d’années plus tard, Hadès découvre la vérité… Et comment tuer un demi-dieu aussi puissant qu’Hercule ? Par l’amour ? Peut-être bien…


La mythologie grecque revue par Disney… Sur le papier, le projet s’avère plus qu’alléchant ! Seulement, au lieu d’en tirer le film grandiose et épique qu’on était en droit d’attendre au vu des précédentes œuvres des studios Disney, John Musker et Ron Clements n’ont rien trouvé de mieux à en tirer que… Hercule.
En reprenant les recettes de leur réussite Aladdin (qui titillait déjà les limites mais sans les franchir), les deux réalisateurs prennent donc le parti d’extraire toute la gravité de l’histoire pour la transformer en comédie pure. La Grèce antique, c’est Sophocle, c’est Euripide, c’est Eschyle… mais non, Musker et Clements n’ont voulu faire que de l’Aristophane. Rien de tragique, donc, dans cette histoire alors même qu’elle s’y prêtait à merveille, à cause d’un scénario bâclé.
Ainsi, avec le Mont Olympe, les scénaristes avaient un terrain de choix pour s’amuser comme des fous en s’appuyant sur les différentes caractéristiques des dieux et en nous proposant un univers haut en couleur et en humour. Malheureusement, l’Olympe est sans nul doute l’élément le plus sacrifié de tout le scénario : on verra Zeus, Héra, Hermès, Hadès, et… c’est tout. A l’image de ce combat entre les Titans et les dieux, évacué en deux pauvres minutes dénuées de tout ce qui s’apparenterait au registre épique, Hercule rate toutes les occasions qui se présentaient à lui.
Si l’on ne se choquera guère de voir les scénaristes Donald McEnery, Bob Shaw, Irene Mecchi, auxquels viennent s’adjoindre Musker et Clements, transformer le récit antique pour les besoins du film, on ne peut que s’interroger sur la décision de faire d’Hercule un dieu à part entière. Là où des Gary Trousdale et Kirk Wise auraient sans nul doute approfondi son intéressant tiraillement entre humanité et divinité dû à son statut de demi-dieu, Musker et Clements ne s’en soucient jamais, préférant faire d’Hercule un personnage incroyablement plat et unilatéral. Mégara, elle, acquiert une dimension plus travaillée par son rôle d’âme damnée d’Hadès qui, en cherchant à séduire Hercule pour le perdre, se trouve prise à son propre jeu. Toutefois, même là, le dilemme animant le personnage sera considérablement réduit.
Il faut dire que ce qui différencie les films de Musker et Clements (La Petite Sirène, Aladdin, Hercule) à ceux de Trousdale et Wise (La Belle et la bête, Le Bossu de Notre-Dame, Atlantide, l’empire perdu), c’est qu’ils ne basent les relations amoureuses de leurs personnages que sur le seul critère physique. Que ce soit Ariel, Jasmine ou Mégara, leur philosophie se résume à un bête « Il est trop beau, je suis amoureuse de lui ! ». C'est tout de même un peu court, surtout quand à côté, les personnages de Belle, Pocahontas ou Esméralda brisent ce cliché en témoignant d’une belle profondeur.


Pour autant, cette pauvreté narrative et psychologique ne nous empêchera pas de goûter un humour astucieux qui fait souvent mouche. Outre les multiples allusions à la mythologie grecque qui, souvent peu subtiles, n’en font pas moins rire, c’est surtout le personnage d’Hadès qui remporte tous les suffrages. Aidé par un hilarant doublage en français (Dominique Collignon-Maurin, au top) et des dialogues merveilleusement écrits (ce qui vaut pour tous les personnages), le dieu des enfers, s’il n’est jamais menaçant, est constamment hilarant, cultivant l’art de la loufoquerie et de l’inattendu avec brio.
Si l’on est prêt à faire une croix sur la subtilité en regardant ce film, on se surprendra à rire et sourire à chacune des apparitions d’Hadès, et il faut bien reconnaître que, quitte à abandonner toute la tonalité tragique du récit, la tonalité comique fonctionne suffisamment pour que l’on ne s’ennuie jamais.


Malheureusement, ce côté sympathique d’un film qu’on voudrait encenser se brise sur le travail formel, sans nul doute un des plus honteux de ce que Disney nous ait jamais offert en termes d’animation. En effet, pour une raison mystérieuse, Musker et Clements n’ont cessé de faire des mauvais choix concernant leur production : ainsi, on s’étonnera moins de l’atroce laideur des graphismes lorsqu’on apprendra qu’ils se sont inspirés du caricaturiste anglais Gerald Scarfe. Cette influence peu recommandable, on la retrouve dans des personnages dessinés avec des moufles par des animateurs en panne d’inspiration. Oubliant toute la rondeur qui fit la beauté des plus grands Disney, les personnages ne sont ici plus qu’angles. Toutes les courbes se retrouvent altérées par des angles mal placés qui rompent toute harmonie dans les graphismes et repoussent les limites du mauvais goût (la scène du cyclope, moment le plus gênant dans l’histoire de l’animation), rendant caduque le mariage entre les personnages et les décors.
Enfin, autre choix incompréhensible, John Musker a demandé à Alan Menken, qui voulait se tourner vers un style musical plutôt classique, de se tourner plutôt vers le style narratif du gospel. Dès lors, chaque apparition des Muses annonce quelques minutes de tortures, leurs chansons pop s’avérant non seulement peu inspirées, mais surtout complètement à côté de la plaque, ne collant jamais avec le cadre de la Grèce antique.
Par chance, Menken se rattrape sur la musique orchestrale, tout-à-fait réussie, à laquelle on peut ajouter la chanson d’Hercule, sans doute la plus écoutable. Mais ça ne suffit pas pour masquer le néant créatif d’un film d’animation au potentiel incroyable, qui s’autodétruit avec un malin plaisir, et ne tient plus ou moins debout que par la force de son humour.
Quand on pense à la version animalière que Kirk Wise et Gary Trousdale envisagèrent un temps de donner du mythe d’Orphée et qu’on se retrouve avec Hercule sur les bras, on se dit que le monde est quand même parfois mal fait...

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le 12 juin 2018

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Tonto

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