Sans vraiment savoir pourquoi, une petite voix me susurrait à l’envie « je le sens bien moi, les gens sous-cotent pour un rien de nos jours ». Cette affirmation gratuite revêt peut-être un fond de vérité, mais force est de constater que Jupiter Ascending n’a pas volé son accueil des plus mitigés : à tel point qu’il paraît difficile d’en deviner la patte des Wachowski, conséquence première d’une intrigue n’apportant rien de neuf au genre du space opera.
Sans aller jusqu’à de malvenues comparaisons, leur dernier long-métrage en date fait assurément pâle figure au regard de sa portée au ras des pâquerettes : quid de l’écriture ambitieuse d’un Matrix ou (plus récemment) d’un Cloud Atlas ? La question se pose, les tribulations de Jupiter et son bodyguard canidé lorgnant davantage du côté du blockbuster balisé à l’extrême ; certes, l’émergence de cette « récurrence » pourrait rappeler celle de l’anomalie Neo (découverte de l’envers du décor), mais Jupiter Ascending s’en tient de bout en bout à un récit sans réelles surprises.
D’un point de vue global, j’ai trouvé que le film faisait preuve d’une malencontreuse condensation scénaristique : en ce sens, celui-ci nous agite sans discontinuer le caractère « gigantesque » de son univers (le terme se pose), la dynastie des Abrasax (elle-même pas unique dans son cas) s’apparentant à un consortium officiant à une échelle vertigineuse. Pourtant, en à peine plus de deux heure, l’affaire sera réglée en un tour de main : plutôt que de développer avec parcimonie un cadre autorisant une imagination débridée, le récit expédie en un temps record des péripéties en cascade, fruit d’un montage abrupt et de grosses ficelles assurant (de leur mieux) un semblant de cohérence.
On décèle volontiers un potentiel certain en somme, mais les Wachowski seront allés vite en besogne, tant il y avait matière à scinder la présente histoire en deux (si ce n’est plus) films. Mais par-delà ce gâchis induit, Jupiter Ascending fait de toute façon montre de sacrées faiblesses scénaristiques : l’invariable coup de l’amourette foudroyante fait sourire (de dépit), l’illogisme que recèlent les différents rapports de force fait grimacer et, malheureusement, l’écriture archétypale des protagonistes en action fait peine à voir. Quand bien même le casting ferait sa part du boulot, il n’y a qu’à voir l’air souffreteux d’Eddie Redmayne pour se rendre compte de la mascarade : car sitôt que l’on passe outre le vernis fastueux d’un tel univers, les dialogues convenus et autres revirements ne peuvent que remettre en doute la crédibilité du tout.
Reste quelques prestations sympathiques (Tatum, Bean), mais on pourrait conclure que l’envergure banale du long-métrage est à l’image d’une Mila Kunis peu convaincante. In fine, il n’y a guère plus qu’un divertissement à grand renfort d’effets spéciaux à se mettre sous la dent : sur ce point, Jupiter Ascending bat le chaud et le froid, sa teneur originale en termes de design (architecture des décors et autres costumes) y côtoyant une empreinte graphique au bord de la saturation. Certaines séquences musclées s’avèrent ainsi illisibles, cette débauche de pyrotechnie numérique en occultant par voie de fait tout élan épique : au même titre qu’une BO tout au plus correcte (Giacchino ne se démarque pas), la forme du film ne parvient donc pas à compenser les errements incessants d’un récit pétri de facilités, parmi lesquelles ce même enrobage s’inscrit à n’en pas douter.
Malgré ses têtes pensantes de renom, d’ailleurs accompagnées d’une équipe technique coutumière du fait, Jupiter Ascending ne laissera donc pas un souvenir impérissable : et ce n’est pas son message anticapitaliste, en l’état pataud, qui nous fera dire le contraire.