Le film n'est pas mauvais en lui-même, si l'on exclue la prestation assez ratée, à mon sens, de Brigitte Bardot, qui ne convient guère au rôle avec ses mines d'adolescente faussement rebelle.
Cependant, il ne respecte en rien l'oeuvre d'origine : d'une histoire non pas d'amour mais de désir torturé, le film fait une mièvrerie sociale, annihilant toute la puissance symbolique et psychanalytique de la nouvelle de Louÿs.
Duvivier semble avoir voulu donner un éclairage différent au personnage de Conchita Perez, en essayant de comprendre les raisons de ses besoins de manipulation ; mais Eva Marchand en devient fade, trop franche et trop naïve pour incarner la perversion du personnage. C'est elle qui est manipulée sans cesse, offrant un baiser en excuse à un homme qu'elle a dédaigné, en cédant sans cesse après avoir faussement résisté à Don Mateo, en se laissant même mener par son père.
Le pire ? Cette fameuse phrase, emblème d'une féminité libérée : "La guitare est à moi, j'en joue à qui je veux." Ce n'est pas une Conchita triomphante qui la prononce avec emphase, c'est le "mac" d'Eva qui tente ainsi de calmer un Mateo ivre de jalousie !
La fin est à l'image du reste : un contre-sens complet de la nouvelle, transformant l'obscurité du désir en une lutte des classes.
J'en viens à douter : est-ce moi qui aurais mal compris Louÿs ? Buñuel m'en garde !