Critique rédigée en avril 2020
Analyste en guerre acoustique au sein du sous-marin "Le Titan", le jeune Chanteraide (François Civil ; Deux moi, Mon inconnue) a le don de reconnaître chaque son qu'il entend, et depuis une certaine distance ; en somme, un ouïe bestial. D'une erreur de repérage, son équipage se retrouve embarqué dans un complexe affrontement nucléaire contre l'armée russe...
Pour son premier long-métrage, l'auteur de bandes dessinées et diplomate Antonin Baudry s'attaque à un sujet délicat, rendant compte des risques et des intérêts du monde sous-marin nucléaire.
Le film débute par une citation d'Aristote résumant parfaitement l'univers auquel le scénariste, mieux connu sous le pseudonyme de Lanzac, nous soumet alors. Il nous livre une sorte de version modernisée du film de guerre nucléaire type des années 60 (Docteur Folamour de Kubrick, Point limite de Lumet), portée par une mise en scène intimiste et des dialogues purement scientifiques (le cinéaste ayant lui-même été étudiant en polytechnique), qui requièrent une connaissance rigoureuse du sujet pour être sensibilisé de A à Z. Néanmoins, la qualité de cette mise en scène mérite qu'on y accorde une attention particulière.
De rebondissement en rebondissement, Civil, Omar Sy et Kassovitz (incarnant le nerveux amiral) se retrouvent dans des affaires tragiques à travers une narration tout en suspens faisant la part belle à l'analyse sonore. Le Chant du loup est un pur film de cinéma, la salle étant le lieu ultime pour vivre pleinement le rôle joué par le son. Les fonds sonores palpitants s'accordent parfaitement avec cette ambiance grave et nocturne. Globalement celle-ci offre au métrage un style presque documentaire, ce qui est justement là où le film réussit le mieux, mais qui peut se révéler particulièrement déroutant sur le long terme pour qui est familier avec le domaine marin.
Plusieurs thèmes se retrouvent bien exploités: il y a cette vision d'une communauté écartée qui ouvre avec justesse le film,
(accompagnée d'une haletante séquence belliqueuse où la caméra passe du sous-marin à la forêt des côtés syriennes avec virtuosité ; un suspense qui sera hélas un peu en deçà par la suite)
ainsi que le parcours personnel de Chanteraide en quête de rédemption, tel un héros étranger à ses super-pouvoirs.
L'intrigue est ainsi très riche, sans répit du début à la fin. Elle ne parle bien-sûr pas à quiconque, mais elle se laisse au minimum suivre tant chaque personnage principal est complet dans son caractère et ses motivations.
Le Chant du loup est globalement un excellent divertissement, beau et haletant, qui redonne évidemment une certaine vigueur au cinéma français de genre.