Je partais avec pour ambition de voir un chef-d'oeuvre. Et c'est ce qu'il m'a semblé avoir vu.
D'où mon incompréhension face à cette moyenne, correcte certes, mais bien loin des chiffres que j'espérais, et face à l'emballement tout relatif de mes compagnons de visionnage.
Qu'est ce qui a donc bien pu marcher sur moi et pas sur les autres pour que j'aie les mains qui tremblent, la gorge nouée et le regard vague une fois le générique défilé ?
C'est peut-être dû à l'étrange collision des genres ; parce que partir sur une ambiance sombre, rappelant certains westerns ou films noirs sur la pègre, dériver petit à petit sur celle poisseuse d'un jeu sexuel sado-masochiste malsain (avec scènes osées de sexe à l'appui, sublimement exécutées), continuer sur un jeu de manipulation sur fond d'intrigue policière et judiciaire passionnante et conclure sur la mort d'un amour tragiquement passionnel n'est pas chose aisée, mais, grâce à une mise en scène superbe et au jeu éprouvant de puissance du duo Nicholson-Lange, elle semble couler de source.
Ainsi, en brassant les genres, et parfois peut-être avec peu de délicatesse (la pause, au milieu du film, qui fait de l'habile avocat le personnage principal, si elle est passionnante, n'en demeure pas moins déroutante tant elle s'invite puis s'éclipse sans crier gare), Bob Rafelson donne de l'ampleur à l'histoire monstrueuse de ces amoureux perdus qui ne pourront jamais s'aimer.
Le destin les veut séparés, il les empêchera toujours de vivre ensemble, et c'est ce lancinant effet de yo-yo qui rend le film profondément puissant, et profondément triste dans sa conclusion, qui, si elle surprend par sa fulgurance et sa violence, n'en était, à la manière des tragédies grecques, que trop prévisible...