Le roman noir de James M Cain (également auteur du célèbre "Double Indemnity") aura stimulé l'imagination de nombreux cinéastes. Cinq ans après sa publication en 1934, c'est le français Pierre Chenal qui signait la première adaptation cinéma, avant que Luchino Visconti, Tay Garnett puis Christian Petzold ne proposent leur propre version au cours des décennies suivantes.
De même que l'américain Bob Rafelson, qui signe sans doute l'adaptation la plus connue, avec Jack Nicholson et Jessica Lange en têtes d'affiche.
Le film repose énormément sur ces deux comédiens et sur leur alchimie à l'écran, dans une relation particulièrement bestiale sur le plan sexuel, mais aussi assez pure et candide au niveau des sentiments.
Jack Nicholson fait preuve d'une belle sobriété et apparaît touchant, gauche et mal fagoté dans ses frusques de pompiste. Quant à Jessica Lange, que je n'ai jamais apprécié (je trouve qu'elle a très mal vieilli physiquement, dès la quarantaine), elle m'a vraiment bluffé dans ce rôle pas facile, à la fois garce et émouvante.
Le point de départ est connu : durant la Grande Dépression, un vagabond sans le sou est engagé dans un relais routier tenu par un vieux Grec débonnaire, marié à une femme trop jeune et trop belle pour lui. Arrive ce qui devait arriver, et bientôt la seule solution devient de faire disparaître le patron...
Même si cela permet d'approfondir la psychologie des personnages, le réalisateur Bob Rafelson a le tort de trop faire durer ce premier acte, d'autant que le rythme s'accélère ensuite brutalement, dans une séquence judiciaire complexe mais expédiée en quatrième vitesse - peut-être pour éviter de s'étendre sur les invraisemblances dont elle est émaillée.
De plus, on comprend mal pourquoi Cora, plutôt flegmatique, devient soudain à ce point hystérique durant le procès.
En dépit de ces quelques faiblesses, j'ai apprécié cette adaptation eighties, entourée d'une odeur de soufre (les scènes de sexe sont vraiment hot, sans dévoiler pourtant la moindre nudité), et de l'aura diffusée par les films cultes.
Sur le plan visuel, le film commence dans des tons sepia ternes et sans éclat, avant que les couleurs ne s'affirment au fur et à mesure que la passion s'épanouit (à l'image du néon évocateur), ou que l'on s'éloigne du relais routier. On remarque ainsi les couleurs vives lors de l'escapade au cirque de San Diego, symbole des aspirations profondes de Frank, éternel voyageur, volage et parieur.
Solide représentant de la vague néo-noir, "The Postman Always Rings Twice" porte bien son titre, puisque la plupart des évènements se déroulent en deux temps, comme si le destin accordait à chaque fois un premier avertissement, que nos deux héros seront trop aveugles pour remarquer...